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Le Monde des Insectes

Le site et le forum insecte.org sont le lieu de rencontre de tous les passionnés d’insectes, quels que soient leur niveau, leur approche et leurs objectifs.

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Il privilégie un esprit de convivialité, sans imposer de hiérarchie officielle, pour que les discussions puissent s’enrichir librement aussi bien des erreurs des uns que des explications patientes de ceux qui en connaissent plus.

ANIBARA

Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.

L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.

Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr

Insectes anthropophages chez un peuple d’insectivores
Par S. Eben Kirksey
jeudi 9 février 2006
par Arno

Traduction avec l’autorisation de l’auteur

Voir le texte original : http://www.sar.usf.edu/ kirksey/phasmid.html

Les " Mee " d’Irian Jaya (Papouasie - province indonésienne) consomment une grande variété d’insectes en complément de leur régime de patates douces (Ipomoea batatas), de bananes (Musa sp) et de porc (Sus scrofa). Les insectes consommés incluent presque toutes les espèces locales allant des sauterelles aux mantes (Mantodea) mais les phasmes sont étrangement absents du régime alimentaire des " Mee ".
En fait, ils sont effrayés par toutes les espèces de phasmes qu’ils appellent « kagabo ». Un homme a crié et couru de l’autre côté de la salle quand un « kagabo » que je maintenais dans une bouteille d’eau en plastique a soudainement commencé à se déplacer.

Les " Mee " justifient leur crainte en disant que le « kagabo » peut rapidement s’envoler et vous « agripper avec ses longues pattes et ses griffes pointues ». Ils disent que si l’« urine » du « kagabo » entre en contact avec la peau, elle peut causer une éruption cutanée sur l’ensemble du corps. Cette crainte, semble-t-il infondée, peut cependant avoir une base biologique.
Tom Clark, de l’université de l’Etat du Kansas, explique en effet qu’il y a un certain nombre de phasmes dans diverses régions du monde qui projettent des produits chimiques défensifs par l’intermédiaire des glandes prothoraciques. Ces produits chimiques sont pulvérisés sur la face des attaquants ou répandus sur le corps de l’insecte. Par exemple, quand le phasme péruvien (Oreophoetes peruana) est dérangé, il éjecte de la quinoléine, liquide volatil mutagène, qui est connue pour causer une irritation locale sur les grenouilles et les araignées (Voir aussi cet article sur la production défensive de Quinoléine chez cette espèce).

Un homme plus âgé m’a raconté une histoire au sujet d’un type de phasme particulièrement dangereux de « kagabo » appelé le « ututu wawa » :

« Un homme et une femme étaient allés chasser dans les bois. L’homme ayant tiré une flèche sur un porc avec son arc, la femme était partie rechercher des feuilles de fougères arboricoles pour cuire le porc. Tandis que la femme sélectionnait quelques feuilles, elle remarqua un grand fruit rouge de Pandanus dans un arbre voisin. Cessant de ramasser les feuilles elle s’avança vers l’arbre. Elle prit un bâton pour accrocher la branche qui portait le fruit. Elle s’agrippa dans l’arbre, saisit une branche quand soudainement une partie de celle-ci devint vivante. C’était un « kagabo » énorme avec un abdomen rouge qu’elle avait confondu avec le fruit de Pandanus. Le « kagabo » s’envola et la saisit au niveau du cou. Il laissa son corps par terre mais emporta sa tête dans l’arbre pour la manger. Quand l’homme eu fini de dépecer le porc, il s’inquiéta pour sa femme qui ne revenait pas et partit à sa recherche. Il suivit ses empreintes de pas jusqu’à l’emplacement de la lutte et trouva le corps. Il rechercha aux alentours la créature qui avait pris sa tête. Quand il remarqua le « kagabo » dans l’arbre il le tua avec une flèche. Il enterra le « kagabo » et son épouse ensemble dans un puits. »

L’homme qui a raconté cette histoire expliqua alors que certains Mee croient que la simple vue de ce monstre peut vous tuer et que lorsque l’esprit du « ututu wawa » vous a senti il reviendra plus tard manger lentement votre corps. Le Tchad Arment m’a suggéré qu’il était possible qu’un phasme ait développé une défense chimique plus toxique que celles qui ont déjà été décrites. Ainsi est-il concevable que cette espèce de phasme ait développé une toxine capable de tuer graduellement un humain.

Si les croyances des " Mee " sur la nature dangereuse du « kagabo » ont une base biologique concevable, ils nous donnent une perspective intéressante sur la construction culturelle de la peur et du danger. Bien qu’il soit possible qu’une ou deux espèces aient développées une sécrétion chimique de défense évoluée, il est fortement peu probable que toutes les espèces de ce secteur ait eu la même adaptation. Vraisemblablement, par leurs observations empiriques sur quelques espèces de phasmes, les " Mee " ont généralisé leur crainte à l’ordre entier de Phasmatodea.
En Amérique du Nord il y a principalement deux espèces d’araignée qui ont des toxines dangereuses : la veuve noire (Latrodectus mactans) , et la récluse brune (Loxosceles reclusa). Ainsi beaucoup de nord américains ont une peur généralisée des araignées. Phénomène donc assez semblable aux généralisations des “Mee” au sujet du « kagabo ».

En dépit des craintes des “Mee”, il y a par contre beaucoup de phasmes qui peuvent être mangés par des humains.
Il y a plus de 1.400 espèces des insectes comestibles décrites et ce bien que la plupart des personnes avec une sensibilité européenne frissonnent quand elles pensent à manger des insectes.
Pourtant, bien peu des espèces consommées sont des phasmes, alors que probablement beaucoup d’espèces sont agréables au goût.
En Papouasie - Nouvelle-Guinée quelques groupes ethniques mangent des Extatosoma popa popa qui vivent sur les feuilles de palme de sago utilisées par ces populations comme chaume pour les toitures. Un document édité en 1855 signale que les genres Carabidion et Eurycantha sont mangés par des peuples de Nouvelle-Calédonie et qu’ils les consomment comme des écrevisses.
Les éleveurs d’insectes volontaires qui ont des surplus d’élevages pourraient apporter leur contribution à l’amélioration de la connaissance en matière d’entomophagie en entreprenant quelques expériences soigneuses sur la comestibilité.

Le « kagabo ututu wawa » : Un Megacrania ?

Il semble que ce « Kagabo » ressemble étrangement à un espèce de Megacrania se nourrissant justement de Pandanus et ayant une défense chimique. Voir la fiche d’élevage de Megacrania tsudai.

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Megacrania tsudai Femelle Adulte dérangée projetant de l’actinidine par ses 2 glandes prothoraciques
Photo : Chinese Society of Natural Photography - http://www.csnp.org.tw/




Note perso - Arno S : Les cas d’utilisation de jets défensifs par des espèces du genre néotropical Anisomorpha (non incriminable dans ce contexte géographique) sont également bien connus et on pourra consulter avec intérêt les 2 articles suivants relatifs à l’espèce Anisomorpha buprestoides Stoll,1813 :

Ce texte a également été traduit dans la revue Entomon n° 6 du GEPAI par Nicolas Cliquennois où il notait également : Le genre Megacrania (Phasmatidae, Platycraniae), dont la répartition géographique comprend le Japon, Taïwan, les Philippines, les Molluques, les Nouvelles Hébrides, est connu pour avoir le Pandanus comme plante hôte (les Pandanus baquois ou vacoua en français, famille des Pandanaceae, sont des arbres ou des arbustes à feuilles épineuses, semblables à des “palmiers”).
De plus, cet insecte est pourvu d’une défense chimique : lorsqu’il est dérangé, il projette une substance laiteuse sur son prédateur. Une étude réalisée à Taïwan sur le Megacrania tsudai a montré que l’actidine était le constituant majeur de cette substance. Ne serait-ce donc pas lui cet « outoutou wawa », terreur de ce peuple néo-guinéen ?