Discussion àpropos des phéromones, des chimiorécepteurs des Phasmes et des accouplements
mercredi 8 février 2006
par Arno , brunob
Emmanuel Delfosse 08/1998 - 3, Rue de Montmagny 95410 Groslay -(Paru dans Entomon-Lettre du GEPAI n° 5, (juin 1998)

Les phĂ©romones (qu’on devrait d’ailleurs noter phĂ©rormones, si l’on voulait ĂŞtre plus juste) semblent avoir une place de choix dans la vie des Insectes aussi bien que dans celle d’autres animaux, y compris l’homme et mĂŞme chez les plantes, les champignons... Elles sont diverses et pas seulement sexuelles : substances bĂ©nĂ©fiques, sĂ©crĂ©tions dĂ©fensives, sĂ©crĂ©tions odorantes chez les fleurs pour attirer les Insectes pollinisateurs...

Chez le Papillon, elles sont connues depuis longtemps. Le cĂ©lèbre entomologiste Jean-Henri Fabre (1828-1915) avait dĂ©jĂ soupçonnĂ© ce mĂ©canisme qui consiste Ă diffuser des odeurs, chez la femelle, pour attirer le mâle (jusqu’Ă 11 km). Il Ă©tudiait alors Saturnia pyri (Denis & SchiffermĂĽller, 1775). Plus tard, on a rĂ©ussit a isoler les phĂ©romones (bombycol) du Bombyx du MĂ »rier [Bombyx mori (LinnĂ©, 1758)] et celle de la reine des Abeilles...

Sans elles, il est probable que bien des rencontres ne pourraient se produire.

Alors, mĂ©langeons un peu de " hasard " et des phĂ©romones : le cocktail nous donne le " miracle " de l’accouplement.

Le " hasard ", c’est un peu l’adaptation du mâle pour aller Ă la recherche d’une Ă©ventuelle compagne (comme chez de nombreuses Espèces vivantes). Il est ainsi plus fin que celle-ci, voire plus petit et si il est ailĂ©, il arrive qu’il soit apte Ă voler (ou planer) sur de longues distances [Extatosoma tiaratum (Macleay, 1827) ; Creoxylus spinosus (Fabricius, 1793)...]. Les femelles sont souvent plus Ă©paisses (la ponte sera d’autant plus importante), ont rĂ©gulièrement des ailes rĂ©duites quant elles en possèdent [certaines sont pourtant capables de voler : Sipyloidea sipylus (Westwood, 1859) ; Pseudophasma rufipes (Redtenbacher, 1907) ; Pseudophasma phthisicum (LinnĂ©, 1758)...] et semblent plus malhabiles pour se mouvoir, etc. Certaines femelles sont mĂŞme incapables de se dĂ©placer correctement sur le sol, elles sont plus adaptĂ©es Ă une vie arboricole [Phobaeticus serratipes (Gray, 1835)...]...

Ce sont donc les mâles qui partent Ă la recherche du sexe opposĂ© et l’on peut observer, chez certaines Espèces, des antennes plus longues chez le mâle que chez la femelle [Extatosoma tiaratum ; Phyllium bioculatum Gray, 1832 ; Craspedonia gibbosa (Burmeister, 1838)...]. A l’Ĺ“il nu, chez certaines Espèces, on distingue bien les soies, semblables Ă de petits poils, en gĂ©nĂ©ral plus longues et plus nombreuses que chez la femelle. Ce sont des organes sensoriels permettant de percevoir le monde extĂ©rieur. Certains sont justement spĂ©cialisĂ©s dans la perception des phĂ©romones, des substances chimiques que va libĂ©rer la femelle pour attirer son homologue du sexe opposĂ©.

Des expĂ©riences, sur nombre d’ Espèces d’ Insectes ont pu prouver que les mâles Ă©taient attirĂ©s par certaines substances de ce type, parfois Ă plusieurs dizaines de kilomètres.

Il est bien des contradictions. Ainsi, si certains Phasmes mâles se dĂ©placent sur de longues distances (en fonction des plantes nourricières, de la taille du biotope, etc.), d’autres auront tendance Ă rester sur place ou aux alentours du fait de leur manque de mobilitĂ©.

Certaines femelles sont Ă©galement capables de planer comme les mâles (Pseudophasma rufipes ; Sipyloidea sipylus...), ou de dĂ©placer avec une grande facilitĂ©, mĂŞme au sol, grâce Ă de grandes pattes [Baculum thaii Hausleithner, 1985 ; Baculum extradentatum (Brunner, 1907)...].

Certains mâles ont des antennes courtes, parfois Ă peine plus longues que celle des femelles (Baculum thaii) ou les antennes sont d’Ă©gale longueur chez les deux sexes...

Il est aussi des Phasmes mâles qui pourraient se déplacer aisément sur de bonnes distances qui parcourent peu de chemin dans leur vie.

Par contre, les jeunes ont rĂ©gulièrement de longues pattes qui leur permet l’essaimage des nouvelles gĂ©nĂ©rations. Ils sont souvent très actifs et possèdent une couleur qui peut changer au bout de 10 Ă 15 jours. Il est mĂŞme des Espèces avec des coloris des plus vifs : rouges pour Phyllium celebicum, Phyllium giganteum Hausleithner, 1984 ; brun et tĂŞte orange pour Extatosoma tiaratum qui mime Ă©galement une Espèce de Fourmi du Genre Leptomyrmex Mayr, 1862... Ces couleurs, dans la nature, sont des couleurs d’avertissement signifiant que l’animal est empoisonnĂ©. Les Phyllies deviendront vertes et le Phasme Ă tiare (Extatosoma tiaratum) prendra sa robe verte ou beige. Les exceptions existent et sont mĂŞme nombreuses : Creoxylus spinosus ; Heteropteryx dilatata (Parkinson, 1798) ; Dares verrucosus Redtenbacher, 1906 ; Haaniella dehaani (Westwood, 1859) (..) ont des pattes plutĂ´t courtes et semblent parfois amorphes.

La " nature " nous offre toutes sortes d’adaptations, des essais divers... On pense dĂ©sormais que c’est en partie le " hasard " qui influence ces adaptations.

Il est vrai que le monde des Insectes est trop complexe pour que l’on puisse faire, facilement des gĂ©nĂ©ralitĂ©s, d’autant qu’Ă©normĂ©ment de choses nous Ă©chappent, que tout reste Ă dĂ©couvrir...

Une fois que le mâle Ă repĂ©rĂ© une femelle, parfois par hasard, mais aussi grâce aux phĂ©romones, il peut très bien rentrer en concurrence avec d’autres mâles de son Espèce. Il pourra y avoir des combats [Eurycantha calcarata Lucas, 1869 ; Aretaon asperrimus (Redtenbacher, 1906)] ou il peut " s’approprier " la femelle avec laquelle il s’accouple. Par " s’approprier ", j’entends parler des mâles qui passent le plus clair de leur temps sur le dos de leur compagne, voire mĂŞme de leur cadavre pendant 3 ou 4 jours (Anisomorpha monstrosa Herbard, 1932). La raison en est des plus simples : elle consiste Ă protĂ©ger leur semence. En effet, c’est la semence du dernier mâle accouplĂ© qui aura le plus de chance d’ĂŞtre utilisĂ© par la femelle.

Lorsque le mâle va pour s’accoupler, il n’y a pas de parade. Il grimpe simplement sur le dos de sa compagne et la caresse, ici ou lĂ , avec ses antennes.

La femelle est plus ou moins rĂ©ceptive et l’on observe parfois des extravagances : un mâle Calynda brocki Hausleithner, 1987 faisant une tentative d’accouplement avec une femelle Phaenopharos herwardenni Henneman & al.. ou encore, un mâle Anisomorpha buprestoides (Stoll, 1787) tentant de s’accoupler rĂ©gulièrement avec un mâle Eurycantha coriacea Redtenbacher, 1908 !

Comment expliquer ces " erreurs " ? Et les phĂ©romones dans tout cela ? Pourquoi y a-t-il des individus trompĂ©s Ă ce point (Anisomorpha buprestoides fait partie de la Famille des Pseudophasmatidae et de la Sous-famille des Pseudophasmatinae tandis que Eurycantha coriacea fait partie de la Famille des Phasmatidae et de la Sous-famille des Eurycanthinae) ? Comment, dans ce cas, ne pas penser Ă des rencontres alĂ©atoires ?

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Femelle Paramenexenus laetus et mâle Lamponius guerini
Et les phĂ©romones dans tout cela ? (Photo Bruno Biron)

Ces incidents sont pourtant peu nombreux et ne semblent pas avoir davantage de rĂ©percussion. Il est vrai aussi que ce qui se passe dans un terrarium n’est pas forcĂ©ment ce que l’on peut observer dans la nature, d’autant que certaines Espèces qu’on mĂ©lange allègrement n’auraient jamais pu se rencontrer dans leur biotope d’origine Ă©tant donnĂ© leurs provenances respectives.

Et quelle glande est donc responsable de la sĂ©crĂ©tion du signal chimique attirant les mâles ?

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Accouplement d’un Mâle Oxyartes honestus adulte avec une femelle adulte Pharnacia sp. Viet-nam
Photo Bruno Biron

On sait qu’elle est anale pour nombre d’ Espèces de Papillons, par exemple ou situĂ© sur la tĂŞte, tergale pour nombre d’ Espèces d’ Insectes comme les Termites (toutes les Termites ?), glandes odorifères des HymĂ©noptères... Chez les Blattes, on en trouve sur l’abdomen des mâles, sous les ailes au niveau des tergites ou chez les Gryllides et les Sauterelles cavernicoles mâles, des vĂ©sicules exsertiles chez les MĂ©coptères et les Planipennes mâles....

Certains Papillons mâles sont Ă©galement capables d’Ă©mettre des substances aphrodisiaques pour stimuler leur partenaire afin de favoriser l’accouplement (Danais Latreille, 1819). Leurs organes odorifĂ©rants sont situĂ©s sur les pattes et l’abdomen ou groupĂ©s sur les ailes (Ă©cailles modifiĂ©es : androconies)...

On sait aussi que les stimulations sonores et visuelles (ailes dĂ©ployĂ©es) existent mais la vue des Phasmes semblent mĂ©diocre d’après certains auteurs... La vue joue un rĂ´le prĂ©pondĂ©rant surtout chez les Odonates (Libellules) et les Ă©phĂ©mères. Chez la plupart des autres Insectes, les organes chimiorĂ©cepteurs (ou organes olfactifs) sont sensibles aux substances prĂ©sentes dans l’air, Ă l’Ă©tat gazeux. Ces chimiorĂ©cepteurs sont situĂ©s sur les antennes. Celles-ci sont recouvertes de nombreuses sensilles (organe très sensible, de forme diverse).

Les glandes tégumentaires répandant une odeur qui représentent un stimulus significatif pour le, compagnon social ou le partenaire sexuel sont nombreuses chez les Insectes...

Beaucoup d’ Insectes sont aussi sensibles aux vibrations de leur milieu, cela peut aussi servir de signal sexuel ou Ă d’autres buts. La sensibilitĂ© dĂ©pend des Espèces...

Post Scriptum :

RĂ©fĂ©rences :

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 Brimont Fabien (juin 1998). comment la rencontre entre individu de sexe diffĂ©rent mais de mĂŞme espèce s’effectue t-elle pour que se produise l’accouplement ? Cette rencontre se fait-elle par l’intermĂ©diaire d’un chimiotactisme (phĂ©romones) ou se fait-elle de manière alĂ©atoire (la prĂ©sence d’individus de sexe diffĂ©rent dans une enceinte d’Ă©levage augmente la probabilitĂ© de rencontre). S’il y a Ă©mission de phĂ©romones, quelle glande est responsable de la sĂ©crĂ©tion de ce signal chimique ? Et oĂą se situe t-elle ?, Lettre du GEPAI n° 5 : 5.

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