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ANIBARA

Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.

L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.

Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr

Polyploïdie, parthénogenèse et reproduction sexuée
Chez les phasmes en particulier et les Insectes en général (essai de synthèse très simplifiée)
mercredi 8 février 2006
par Arno

Liminaire

Comme chez tout être animal, les phasmes se reproduisent bien souvent de manière sexuée mettant en jeu mâles et femelles fertiles, jusque là rien de bien anormal. Dans le règne animal, les espèces sexuées sont bien souvent diploïdes (2 paires de chromosomes homologues, 2n=...). Chez les phasmes, ce cas est lui aussi assez régulier, par exemple, notre Bacillus rossius est 2n=36 (XX) chez les femelles et 2n=35 (X0) chez les mâles auxquels il manque un chromosome X. La détermination du sexe est donc quelque peu différente de ce qui se passe par exemple chez l’espèce humaine où un chromosome sexuel Y porteur d’un gène Sry détermine le sexe de la descendance. Les bases étant « jetées », les choses vont bien évidemment se compliquer lorsque l’on va s’y intéresser en détail. La nature est complexe et c’est tant mieux !

I/ Détermination sexuelle et caryotype des phasmes :

Restons encore un peu sur le caryotype des phasmes, encore une fois, rien n’est simple, plusieurs espèces de phasmes sont connues pour être polyploïdes (3n voire 4n !). Le genre Bacillus aujourd’hui mieux connu notamment grâce aux travaux de V. Scali et al.(1), montre en effet un complexe au sein duquel on trouve notamment (liste non exhaustive citée pour exemple) :

  • B. grandii 2n = 33/34, (XO-XX)
  • B. rossius 2n = 35/36, (XO-XX),
  • B. atticus parthénogénétique qui forme un complexe (2n = 32 ; 2n = 34 ; 3n = 48-51)

Et les deux hybrides thélytoques que sont :

  • B. whitey parthénogénétique (2n=35)
  • B. lynceorum parthénogénétique (3n=51)
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Figure 1 - Origine des taxons unisexes du complexe Bacillus (Mantovani et al. 1999)

Une chose est certaine, le sexe est donc bien déterminé par le nombre d’hétérosomes, XO mâle, XX femelle. Si cela est aussi le cas chez tous nos phasmes (on peut en douter vu la complexité existante au sein des différents groupes), ceci expliquerait assez facilement l’existence de gynandromorphes croisés qui sont une mosaïque de territoires mâles et femelles. On partirait d’une femelle génétique avec apparition d’un territoire mâle par perte d’un chromosome X au cours d’une des premières divisions cellulaires, cas observés personnellement chez les genres Phyllium et Heteropteryx. Une détermination sexuelle secondaire ne permettant pas l’obtention d’individus avec une mosaïque de territoires mâles et femelles généralement répartis selon une symétrie bilatérale.

II/ Reproduction chez les phasmes :

Chez les phasmes ; encore une fois rien n’est simple, hormis la reproduction sexuée classique mettant en jeu mâle et femelle et la parthénogenèse thélytoque ne mettant en jeu que des femelles sur laquelle nous allons revenir plus loin, l’étude du groupe Bacillus (1) a montré l’existence de 3 modes reproductifs supplémentaires que sont :

1 - L’androgenèse : Ce mécanisme a été mis en évidence dans le règne animal grâce aux phasmes, il met en jeu mâle et femelle, il y a donc bien accouplement, néanmoins, après fécondation, il s’avère que l’œuf ne contient que le génome mâle et pour cause, l’ovule ne contiendrait pas de noyau (pronucléus). Bien souvent et cas très rare dans le monde animal, il y a polyspermie (fécondation par 2 voire plusieurs spermatozoïdes). Par divers mécanismes sur lesquels nous ne reviendrons pas, la diploïdie peut se rétablir dans l’œuf. On obtient des mâles et des femelles.

2 - La gynogenèse : C’est pour ainsi dire quasiment l’inverse de l’androgenèse, encore une fois, il y a accouplement mais cette fois ci le génome mâle disparaît après la fécondation, le spermatozoïde contient bien initialement un noyau mais celui-ci est éliminé lors de la fécondation. Contrairement au cas précédent, on n’obtient donc que des femelles.

3 - L’hybridogenèse : Ce mécanisme très complexe correspond à des croisements naturels entre espèces proches (espèces dont on peut alors légitimement discuter du statut !). N’en déplaise aux petits apprentis sorciers, ce mécanisme naturel d’hybridations « interspécifiques » n’a de valeur que dans le milieu naturel, la promiscuité des enceintes d’élevage ne permettant aucune observation valable d’un point de vue scientifique puisqu’on peut légitimement parler de conditions « anti-naturelles », les échanges génétiques ne pouvant se réaliser en milieu naturel que pour des espèces occupant des territoires communs. Ce mécanisme conduit à l’apparition d’individus mâles et femelles bien souvent d’« espèces » différentes (voir la bibliographie pour de plus amples détails)

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Figure 2 - Mécanismes cytologiques de l’hybridogenèse et de l’androgenèse chez le genre Bacillus (Scali et al. 2003)

III/ Polyploïdie :

La discussion serait par trop incomplète sans aborder la polyploïdie courante chez les phasmes. Dans le règne animal la polyploïdie est très rare surtout chez les espèces à reproduction sexuée, en tous les cas bien plus rare que dans le règne végétal. Avant d’aller plus loin, on notera que chez les polyploïdes, on distingue, les triploïdes (3n), les tétraploïdes (4n) ou encore les hexaploïdes (6n). Une espèce peut être féconde si son génome est un multiple de 2, en revanche, les triploïdes sont presque toujours complètement stériles. La solution adoptée par les espèces triploïdes pour se multiplier est alors d’avoir recours à la parthénogenèse. Ainsi, plusieurs espèces de phasme sont connues pour être triploïdes, il n’est pas besoin d’aller chercher bien loin encore une fois puisque les trois espèces françaises sont assez bien connues :

  • Leptynia hispanica forme un complexe incluant des individus diploïdes sexués et des individus polyploïdes parthénogénétiques (3n voire 4n pour certains). En France il semble que seuls les individus 3n soient connus.
  • Bacillus rossius est une espèce diploïde et sexuée mais le groupe auquel il appartient comporte des espèces triploïdes (certains B. atticus & B. lynceorum)

Néanmoins l’abandon de la reproduction sexuée n’est pas en soit une gêne, en effet, les polyploïdes ont très souvent une très grande faculté d’adaptation aux conditions écologiques de leur milieu par rapport aux formes d’origine (ceci est valable pour le règne animal et le règne végétal). Cette adaptabilité est la conséquence du grand nombre d’allèles lié à leur polyploïdie (plus grande diversité). Les formes polyploïdes ont ainsi fréquemment de grandes potentialités de colonisation.

IV/ Parthénogenèse :

Il faut cependant avoir conscience que les espèces pratiquant régulièrement la parthénogenèse ne sont pas pour autant toutes polyploïdes, certaines sont diploïdes ou haploïdes. La parthénogenèse est régulière chez beaucoup d’Arthropodes (insectes, crustacés...), on en distingue trois types (Vogel & Angermann (2)) :

  • La parthénogenèse arrhénotoque (les œufs non fécondés donneront des mâles).
  • La parthénogenèse thélytoque courante chez les phasmes (les œufs non fécondés donneront des femelles).
  • La parthénogenèse deutérotoque (les œufs donnent des mâles et des femelles).

La parthénogenèse zygophasique. Dans ce cas l’œuf non fécondé est généralement diploïde, parfois haploïde, il va se développer et donner des femelles. On distinguera la parthénogenèse zygophasique cyclique comme chez les pucerons ou le Phylloxera où on observe une alternance de générations parthénogénétiques et sexuées (hétérogonie). Ensuite, on distingue la parthénogenèse zygophasique obligatoire un peu plus complexe dont il existe deux formes particulières. La forme améiotique où aucune recombinaison génétique n’est observable et on obtient un clone car les œufs proviennent d’une simple mitose. La forme méiotique où il y a recombinaison génétique qui permet une légère modification du patrimoine héréditaire, les individus ne sont pas des clones.

La parthénogenèse gamophasique. Les œufs fécondés donnent des femelles diploïdes et les œufs non fécondés donnent des mâles haploïdes. Ce type de parthénogenèse est fréquent chez tous les hyménoptères (abeilles, etc...).

Cas des phasmes au travers de l’exemple du complexe Bacillus

Concernant les phasmes, seule la parthénogenèse thélytoque semble être de mise, les oeufs non fécondés donnant des femelles. Néanmoins, dans quelle mesure les formes méiotiques et améiotiques peuvent exister, je manque d’informations à ce sujet. Le travail de Scali V. et al. (2003) (1) fournit quelques éclaircissements à ce propos au sujet du complexe Bacillus.

Chez Bacillus rossius, espèce sexuée, la parthénogenèse est facultative, la gamétogenèse (formation des ovules) se réalise selon une méiose classique mais le développement embryonnaire va différer de la normale. La « cellule-œuf » haploïde va se diviser et produire plusieurs milliers de cellules. Au sein de certaines d’entre elles, la diploïdie va apparaître et générer une descendance femelle homozygote (fig. 3) Si il y a accouplement, ces femelles continuent à produire des mâles et des femelles. Des changements allant de populations sexuées à des populations unisexes (donc uniquement constituées de femelles) seraient apparues plusieurs fois au sein de divers espèces (Gasperi et al. 1983 (6) Tinti 1993 (7)). Si l’on se réfère au schéma, on voit très bien que si un changement apparaît, les femelles hétérozygotes (aA) pour certains gènes vont isoler différentes combinaisons d’allèles dans leurs ovules et produire ainsi une descendance polyclonale homozygote (ici aa). Si la reproduction par parthénogenèse se maintient, au cours du temps ces clones seront génétiquement fixés pour le gène concerné.

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Figure 3 - Processus méiotique dans le cas de la parthénogenèse facultative chez Bacillus rossius (Scali et al. 2003)

Chez Bacillus atticus, la parthénogenèse thélytoque est obligatoire (absence de mâles), on observe néanmoins dans certains cas une recombinaison génétique (par crossing-over) lors de la première division donnant des oocytes secondaires différents du primaire dont ils sont issus. Le résultat conduit à l’obtention de « cellules-œufs » génétiquement différentes qui donneront des descendants femelles différents de la femelle dont ils sont issus. Si l’on se réfère à la figure 4, on constate que la femelle mère hétérozygote Aa pourra donner une descendance elle-même hétérozygote Aa mais aussi homozygote aa et AA pour le gène concerné. Nous ne sommes pas en présence de clones.

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Mécanismes méiotiques dans le cas de la parthénogenèse obligatoire chez Bacillus atticus (Scali et al. 2003)

Les choses étant trop simples ;-) cela va se compliquer un peu si on s’intéresse maintenant au cas de Bacillus whitei et Bacillus lynceorum. Ici, on constate que ces 2 espèces partagent le même mécanisme parthénogénétique mais caractérisé par un doublement du matériel génétique durant la prophase 1, deux divisions s’en suivent alors pour obtenir finalement un pronucléus 2n et 3 globules polaires (fig. 5). Ce processus donne donc principalement une descendance thélytoque hétérozygote semblable à la mère.

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Maturation de l’ovule dans le cas des populations apomictiques Bacillus whitei et Bacillus lynceorum (Scali et al. 2003)

Avons-nous majoritairement des clones en élevage ou y a-t-il également une légère recombinaison génétique permettant une modification, même succincte, du patrimoine génétique des descendants ? Le cas du complexe Bacillus laisse penser que oui mais qu’en est-il réellement ? Manquant d’informations plus détaillées spécifiques à d’autres genres de Phasmatodea, je suis dans l’incapacité de donner plus de détails concernant la parthénogenèse chez cet ordre d’insectes.

Toute piste bibliographique serait la bienvenue !

 
Post Scriptum :

Bibliographie non exhaustive :

1 : V. Scali, M. Passamonti, O. Marescalchi & B. Mantovani. (2003) - Linkage between sexual and asexual lineages : genome evolution in Bacillus stick insects - Biological Journal of Linnean Society. 79, 137-150.

2 : Vogel G. & Angermann H (1984) - dtv-Atlas zur Biologie - Deutsher Taschenbuch Verlag GmbH & Co. KG.

3 : Mantovani, B., Scali, V. (1990) - Preliminary report on a hybridogenetic stick-insect (Phasmatodea) : the first case among invertebrates. - Invert. Reprod. Develop. 18 (3), 185 -188.

4 : Mantovani, B., Scali V. (1992) - Hybridogenesis and androgenesis in the stick insect Bacillus rossius-grandii benazzii (Insecta Phasmatodea). - Evolution. 46 (3), 783 -796.

5 : B. Mantovani , M. Passamonti, V. Scali. (1999) - Genomic evolution in parental and hybrid taxa of the genus Bacillus (Insecta, Phasmatodea). Italian Journal of Zoology 66 : 265 - 272.

6 : Gasperi G, Malacrida A, Scali V. (1983). Variabilità enzimatica in popolazioni italiane e nord-africane di Bacillus rossius (Insecta, Phasmatodea, Bacillidae). Atti XIII Congresso Nazionale Italiano Di Entomologia. Sestriere, Torino, Italy, 647-649.

7 : Tinti F. (1993). Morphological, genetic and chromosomal characterization of Corsican and Spanish Bacillus rossius (Insecta, Phasmatodea). Vie et Milieu 48 : 109-117.