Accueil du site :: Les Phasmes :: Sur le terrain




Sur le Web
Rainforest Portal Newsfeed
"Rainforest Portal" is an Internet Search Tool that provides access to reviewed rainforest conservation news and information
Le Monde des Insectes

Le site et le forum insecte.org sont le lieu de rencontre de tous les passionnés d’insectes, quels que soient leur niveau, leur approche et leurs objectifs.

-

Il privilégie un esprit de convivialité, sans imposer de hiérarchie officielle, pour que les discussions puissent s’enrichir librement aussi bien des erreurs des uns que des explications patientes de ceux qui en connaissent plus.

ANIBARA

Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.

L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.

Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr

Expedition du Groupe d’Etude des Phasmes (GEP) en Guyane 1992-1993
mercredi 31 janvier 2007
par brunob


LE MONDE DES PHASMES. Hors-série n° 1 Special Guyane (Novembre 1993)


1992 : DECOUVERTE DU BIOTOPE...

Le 03 août 1992 quatre personnes arrivaient en Guyane Française pour effectuer une mission scientifique, trois d’entre elles (Florence Auvray, Vincent Rarchaert et Pierre Emmanuel Roubaud) étaient spécialisées dans l’étude des phasmes. Cette première mission d’étude dans la forêt guyanaise se composait de trois parties :

  1. Prospection sur la Montagne de Kaw pour récolter le maximum d’espèces
  2. Prospection de la région de Saint-Laurent-du-Maroni afin de retrouver les espèces citées dans la publication de Chopard (1911)
  3. Faire un inventaire des espèces de phasmes se trouvant en amont du barrage de Petit-Saut.
  • I) LA MONTAGNE DE KAW

Située au sud-est de Cayenne, la Montagne de Kaw est couverte d’une forêt primaire d’une exceptionnelle richesse. Ce site humide, abondamment arrosé (4 à 5 m d’eau par an) constitue un biotope idéal pour les phasmes.

Nous logions au Camp Patawa, situé au coeur même de la forêt. Nous pouvions ainsi prospecter à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, sans avoir à effectuer de long trajet en voiture.

Dans la journée nous avons rencontré très peu de phasmes, la seule espèce réellement visible est Stratocles variegatus (Stoll, 1813) dont les ailes vivement colorées en jaune et noir attirent l’attention lorsque l’insecte est en vol. La plante hôte de ce phasme est "Le Bois Canon" (Cecropia peltata), cette plante est presque toujours couverte de petites fourmis. Nous n’avons jamais trouvé de Stratocles variegatus sur un "Bois Canon" sans fourmi. C’est donc la nuit que nous avons trouvé la quasi-totalité des espèces. Nous chassions à vue avec des lampes frontales entre 20h00 et 24h00. Après plusieurs essais, il semble que ce soit la meilleure période de chasse, on trouve ensuite beaucoup moins d’individus.

Les différentes espèces que nous avons trouvées vivent essentiellement sur les arbustes immédiatement en lisière de la forêt. Ces lisières bordent la piste et forment un intermédiaire entre les grands arbres et la végétation du sol. Les arbustes isolés portaient rarement des phasmes.

  • II) SAINT-LAURENT-DU-MARONI

Situé au nord-ouest, à la frontière du Surinam et à 200 km de Cayenne, on trouve un biotope où vivaient des phasmes différents de ceux habituellement rencontrés en Guyane. Ces espèces avaient été collectées par Le Moult et décrites dans la publication de Chopard en 1911. Malheureusement, aujourd’hui la région est très dégradée, les quelques îlots de forêt restant ne sont composés que de forêt secondaire très clairsemée.

Les quelques espèces de phasmes que nous avons récoltées dans cette région sont les mêmes que celles trouvées dans la Montagne de Kaw, mais avec une densité très inférieure.

Il est probable que les phasmes récoltés par Le Moult bénéficiaient dans cette région d’un climat particulier. II faudrait dans une future étude explorer plus à l’intérieur des terres en bordure du Maroni, ou peut-être envisager un travail de prospection sur les rives du Maroni au Surinam.

  • III) PETIT-SAUT

Petit-Saut se trouve à peu près au niveau de Kourou, mais à une cinquantaine de kilomètres à l’intérieur des terres. La route d’accès au barrage permet de pénétrer au coeur de la forêt. On trouve à proximité immédiate du chantier une forêt primaire intacte.

L’étendue de la forêt qui sera recouverte par l’eau est énorme (300 km2, soit 3 fois la superficie de Paris) et rien ne nous permet de dire aujourd’hui si des espèces inconnues disparaîtront à jamais sous des tonnes d’eau !

Le chantier est en activité de jour comme de nuit, la nuit de puissants projecteurs illuminent tout le site. Ainsi, nous prospections de longues heures chaque soir au pied de ces projecteurs, néanmoins si les récoltes de Coléoptères, Lépidoptères et Sauterelles sont exceptionnelles aucun phasme n’a été attiré par la lumière. Nous travaillions aussi à la lampe frontale, ce qui nous a permis de trouver de nombreuses espèces identiques à celles de la Montagne de Kaw. Après quelques jours de prospection nous avons découvert un Cranidium gibbosum (Burmeister, 1838) au troisième stade de son développement. Comme pour de nombreuses espèces la plante nourricière était Vismia gnianensis. Pendant la dizaine de jours suivant, nous avons recherché avec un véritable acharnement d’autres spécimens de C. gibbosum, pour finalement trouver encore un juvénile au troisième stade ainsi que deux autres au premier stade. Le mimétisme de ce phasme est exceptionnel tant au niveau de la couleur que de la morphologie, ce qui explique certainement l’énorme difficulté à le découvrir.

Les espèces récoltées au cours de cette mission sont pour certains genres difficilement identifiables à cause du manque de matériel de référence et de l’absence de clé de détermination.

Les variations intraspécifiques semblent importantes au niveau des épines du thorax notamment chez le genre Bacteria ainsi qu’au niveau des élytres chez différents genres de la tribu des Xerosomatini.

  • IV) MATERIEL RECOLTE :
    • Tribu des Cladomorphinae
      • 3 espèces de Bacteria
    • Tribu des Craspedoniini
      • Cranidium gibbosum (Burmeister, 1838)
    • Tribu des Phasmatini
      • Phasma necydaloides (Linné, 1763)
    • Tribu des Xerosomatini
      • Creoxylus spinosus (Fabricius, 1793)
      • différentes espèces des genres Prexaspes, Isagora et Metriophasma
    • Tribu des Stratocleini
      • Stratocles variegatus (Stoll, 1815)
      • Citrina prasina (Serville, 1839)

Les phasmes récoltés au cours de la mission de 1993 nous permettrons de progresser dans l’identification des espèces ainsi que dans l’étude des variations intraspécifiques.

JPG - 81.7 ko
Stratocles variegatus (Stoll, 1813) Mâle . Ce magnifique phasme noir et jaune est certainement le plus commun en Guyane Française. Il est facile à rencontrer de jour comme de nuit d’autant plus qu’il ne vit que sur une seule plante Cecropia peltata couramment appelée "Le Bois Canon". Malheureusement cette espèce n’a jamais pu être maintenue en élevage.
Photographié par Frédéric FEBVRE

SAÛL 1993

Au début du mois de juillet 1993, Florence Auvray, Stéphane Auvray, Vincent Rarchaert et Pierre Emmanuel Roubaud, responsables de l’organisation de la première mission scientifique du G.E.P. arrivaient en Guyane Française. Après les quelques jours nécessaires à la mise en place du matériel, l’équipe avait pour mission de découvrir la région de Saùl.

Situé en plein centre de la Guyane Saûl n’est accessible que par avion. Ce petit village de quelques dizaines d’habitants est situé au coeur de la forêt primaire, sur un site réputé pour sa richesse floristique et faunistique. Après quelques nuits de prospections le biotope semble particulièrement riche en phasmes, les résultats permettent d’envisager une étude plus approfondie du site dans le futur.


PREMIERE MISSION DU G.E.P. JUILLET 1993 GUYANE FRANÇAISE MONTAGNE DE KAW

Le 15 juillet 1993 treize membres du G.E.P., en plus des quatre déjà présents, arrivent en Guyane pour effectuer la première mission d’étude des phasmes organisée par le G.E.P.

Le camp installé à Patawa (PK 36 piste de Kaw) avait été équipé quelques jours avant d’un véritable laboratoire. Plus de 250 kg de matériel constituaient un équipement à la disposition des participants, pour la prospection, l’étude et la conservation des phasmes.

Dès le premier soir, le matériel de base est distribué permettant ainsi d’effectuer la première chasse à la lampe frontale.

Cette méthode de chasse demande comme équipement en plus de la lampe frontale elle-même, un petit filet à insecte et un petit sac de tulle accroché à la ceinture. On recherche les phasmes à vue en prospectant sur les buissons. Une fois le phasme repéré on place le filet juste au-dessous de la branche où se tient l’insecte, puis à l’aide de l’autre main on le saisit par le thorax. Le filet a pour rôle de capturer le phasme lorsque celui-ci se laisse tomber, ou bien lorsqu’il a des ailes de pouvoir le rattraper s’il s’envole. Puis, aussitôt après la capture il est placé dans le petit sac de tulle.

Les chasses de nuit à la lampe frontale étant particulièrement fatiguantes, les insectes récoltés passent le reste de la nuit dans leur petit sac de tulle et ne sont triés que le lendemain. Lors du tri, seules les espèces dont le nombre de représentant est important sont placées définitivement en élevage pour récolter des oeufs. Les autres espèces sont préparées après avoir été tuées en séjournant quelques heures dans un flacon à cyanure.

La préparation des insectes pour la mise en couche est particulièrement importante. En effet, l’état de conservation des phasmes est primordial pour les études postérieures.

Les techniques de préparation, de mise en couche et de séchage ont été testées et mises au point au cours de la mission précédente (Guyane, août 1992).

Après avoir été tués au cyanure, les plus gros spécimens sont ouverts au niveau des pleures abdominales latérales droites jusqu’à l’avant dernier segment afin de préserver les organes génitaux. Tout le contenu de l’abdomen et du thorax est vidé, les parois internes sont ensuite saupoudrées d’un mélange constitué de 50 de talc et 50 d’acide borique. Un morceau de coton est roulé très serré puis placé dans l’abdomen qui est refermé par la suite.

Le phasme est placé sur une couche de coton emballée dans du papier filtre qui portera les indications concernant la récolte (date, lieu exact, remarques...).

La couche est placée pendant quelques heures dans un séchoir à couches (figure n° 1) puis est transférée dans une boîte hermétique contenant des granulés de gel de silice. Ceux-ci sont changés dès que l’indicateur d’humidité vire du bleu au rosé et ceci jusqu’à la complète absorption de l’humidité. Les phasmes restent stockés ainsi jusqu’au retour en métropole.

La qualité du matériel collecté et la réussite d’une telle mission sont liés en grande partie à la régularité et au sérieux avec lesquels les insectes sont préparés et sèches.

JPG - 52.6 ko
Figure n° 1 : Séchoir à couches (mis au point en juin 92 par P.E. Roubaud)

A l’heure où nous rédigeons ces lignes, il est impossible d’établir une liste des espèces collectées. En effet le matériel rapporté est considérable et nécessite un important travail pour être identifié. Quelques-unes des espèces ont été dessinées (voir les 15 dessins suivants). Dans les mois à venir nous travaillerons sur l’identification des espèces collectées afin d’établir une liste complète avec l’ensemble des dessins. Tous les phasmes rapportés ont été déposés au Laboratoire d’Entomologie du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris pour être intégrés à la Collection Nationale.


LE KIT S.P.C.(SYSTEME DE PROSPECTION DE LA CANOPEE)

C’est au mois de janvier 1993 que nous commençons à repenser au problème : la cime des arbres est totalement inexplorée et pourtant les phasmes y sont certainement très nombreux.

C’est auprès de Michel Donskoff que Pierre-Emmanuel Roubaud et Stéphane Auvray vont élaborer le système. L’idée est la suivante : II faut pulvériser un insecticide foudroyant et non rémanent dans la canopée puis récolter les insectes qui tomberont.

Les problèmes apparaissent insolubles en ce début janvier. Une mission en Thaïlande est prévue pour la fin du mois de février, il faudrait en profiter pour expérimenter le système. Très vite nous aboutissons à la conclusion que le prospecteur ne doit pas monter dans la canopée, seul l’insecticide ou le pulvérisateur doit être hissé à la cime. Mais en forêt équatoriale un arbre peut mesurer plus de 50 mètres de haut. Nous devons trouver un système qui permettra de lancer un câble à cette hauteur pour hisser l’insecticide dans la canopée.

Après plusieurs jours de recherches nous trouvons le L.F. ("Lanceur de Filin") qui après quelques modifications devrait nous donner satisfaction. Nous partons une journée dans le Loiret pour procéder aux essais sur un terrain dégagé. Le projectile est modifié, puis équipé d’un contrepoids qui lui permettra de redescendre de l’autre côté de l’arbre. Les tirs donnent d’excellents résultats, le filin est entraîné à plus de 60 mètres de haut.

De retour à Paris nous employons tout notre temps à rechercher l’insecticide. Deux jours avant le départ pour la Thaïlande, la seule piste qui semble valable est celle de Liverpool (Angleterre) où nous attend un fumigène. L’aller-retour est effectué en 23h00 sans arrêt, le précieux produit est ramené et emballé à temps pour le départ. Arrivé à Bangkok nous traversons la Thaïlande en direction du nord pour effectuer les premiers essais. Mais ceux-ci sont décevants l’insecticide ne répond pas à nos attentes, il n’est pas assez puissant. De retour à Paris nous travaillons sur le choix du nouveau produit.

Début juin tout est prêt, la précieuse solution est emballée et pendant les trois semaines restantes S. Auvray et P.E. Roubaud se consacrent aux derniers réglages du système de l’appareil de pulvérisation ainsi qu’à la préparation des cordages et des poulies qui permettront de hisser l’ensemble dans la canopée.

C’est le 17 juillet 1993 que "l’équipe canopée" au grand complet procède au premier essai. La mise en place a commencé la veille, après le choix de l’arbre, il faut en dégager les abords immédiats. Ce travail de débroussaillage est particulièrement pénible sous ce climat chaud et humide. Après plusieurs heures le terrain est suffisamment dégagé. Nous pouvons procéder au lancé du filin. L’opération est délicate, il ne faut pas qu’un obstacle vienne freiner le filin pendant son ascension, ce qui est loin d’être facile en pleine forêt équatoriale. Le tir est réussi, il faut remplacer le filin par les cordages définitifs et recouvrir le sol de grandes bâches sur lesquelles nous récolterons les insectes.

Il est 10h30 ce 17 juillet 1993 lorsque nous hissons le pulvérisateur dans la canopée. Pendant une demie heure nous jouons sur les cordages pour diriger le précieux produit sur les zones les plus denses de la canopée. A 11hOO nous arrêtons la pulvérisation et le résultat de plus de 6 mois de recherches et de travail ne se fait pas attendre. Nous récoltons les premiers phasmes, puis des sauterelles, des blattes, ainsi que des dizaines de petits insectes plus surprenant les uns que les autres. Pendant une heure nous récoltons des insectes, avant de partir pour la préparation du deuxième arbre. Nous effectuerons régulièrement pendant 24 heures des récoltes sur les bâches avant de les transférer sous le second arbre. Entre deux récoltes les insectes ramenés au camp sont préparés le plus rapidement possible puis sèches.

Chaque couche d’insectes est numérotée en fonction de l’heure de récolte et de l’arbre prospecté. De plus, à chaque arbre nous prélevons un morceau d’écorce, de bois et des feuilles qui permettront de l’identifer plus tard. Le système mis au point donne sans aucun doute des résultats au delà de toute attente. Le kit S.P.C. va être progressivement amélioré. Déjà nous pouvons dire qu’il permettra de progresser beaucoup plus rapidement dans notre prospection des phasmes en Guyane dans un premier temps puis dans d’autres régions par la suite. Seule une petite partie des espèces des phasmes récoltés et actuellement identifiées, les autres devrons faire l’objet d’une étude approfondie pour être identifiés.

JPG - 150 ko
De gauche à droite : Yannick GEFFROY. David BREVIERE, Jérôme SOLARD,Pierre-Emmanuel ROUBAUD, Stéphane AUVRAY, Philippe LELONG, Frédéric FEBVRE.
Photographie de Frédéric FEBVRE

IMPRESSIONS DE GUYANE

Le bruit du véhicule se rapproche, l’équipe rentre avec la première récolte de la journée. Dans le carbet de préparation tout est prêt, les bocaux sont vidés sur la paillasse. Je commence à trier les insectes par groupes avec une partie de l’équipe pendant que les autres rangent le matériel. Les petites espèces sont mises en couches directement, les grandes sauterelles doivent être préparées. Nous commençons le long travail minutieux de préparation. Après quelques heures certains se préparent à retourner sur le lieu de la pulvérisation pour récolter à nouveau des insectes et préparer le terrain pour l’arbre du lendemain. Un travail d’équipe formidable dans une ambiance toute joyeuse, un souvenir inoubliable.

Florence AUVRAY


Avant de partir pour la Guyane, je ne réalisais pas vraiment ce qu’allait être la "mission Guyane 93". Je m’imaginais un beau voyage d’où nous rapporterions des insectes dont la majorité seraient des phasmes, le but principal de notre mission.

Dès notre arrivée à Cayenne, le dépaysement fût total par le taux d’humidité présent dans l’air, la forêt luxuriante ainsi que par les pluies extrêmement violentes ; tout ceci furent mes premières impressions de la Guyane.

L’une des principales raisons de mon départ, était le nouveau système de chasse, celui-ci consistant à hisser un pulvérisateur le plus près possible de la canopée pour y répandre un insecticide afin d’y récolter un certain nombre d’insectes jusqu’alors inconnus étant donné la difficulté requise pour accéder à la cime des arbres.

Au fur et à mesure que le séjour s’avançait, grâce à l’équipe dynamique du G.E.P. nos chasses furent de plus en plus fructueuses de part les renseignements que nous tirions après chaque prospection. Dès lors, une certaine ambiance de travail détendue se mit en place, nous obtenions des résultats satisfaisants.

Même s’il est évident que certains soirs, nous étions fatigués par nos chasses de la journée, nous retournions chasser le phasme à l’aide d’une lampe frontale jusqu’à minuit, une heure, voir parfois plus ! Ensuite, après le rangement du carbet de préparation et d’une douche méritée, nous allions nous coucher vers Olh30 pour une nuit de 6 heures au plus.

Pour moi, avant d’arriver en Guyane, je ne connaissais pas grand chose au monde des insectes, mais grâce à Pierre-Emmanuel Roubaud ainsi qu’aux membres du G.E.P., mon intérêt pour les insectes et plus particulièrement pour les phasmes s’est très vite développé.

Cette mission m’a apporté beaucoup de choses nouvelles, parmi celles-ci, un esprit d’équipe essentiel pour la réalisation d’un projet. Une fois revenu à Paris, j’ai longtemps regretté les bons moments passés en Guyane, mais désormais, j’attend avec impatience le départ de la mission 94.

Stéphane AUVRAY


Les gens du camp étaient très sympathiques et le soir on mangeait très bien. La forêt était magnifique, les pluies impressionnantes et les insectes nombreux. Le voyage m’a beaucoup plu et je suis prêt à repartir.

David BREVIERE


Cette mission du G.E.P. fut pour moi une expérience très enrichissante. La beauté du paysage, la richesse de la faune restent des souvenirs inoubliables. Outre ces nuits passées à la recherche des phasmes, de ces courses poursuites avec les morphos dont la splendeur est proportionnelle à la rapidité, des cris des singes hurleurs en pleine nuit, j’ai beaucoup apprécié la visite du Centre Spatial Guyanais où l’accueil fut d’excellente qualité et le spectacle impressionnant.

L’ambiance était bonne et tout le travail réalisé sur la canopée n’est dû qu’à la bonne humeur constante qui était présente au sein de l’équipe. Je souhaite vivement qu’une telle aventure se renouvelle bientôt.

Frédéric FEBVRE


Rêve de tout entomologiste débutant ou confirmé désireux de parcourir le monde à la recherche de nouvelles espèces. Un rêve qui est devenu réalité lorsque j’ai parlé avec Pierre-Emmanuel Roubaud au téléphone. Je recherchais un stage, pour une période indéterminée en entomologie ; c’est alors qu’il me proposa une mission en Guyane en collaboration avec le laboratoire d’entomologie du Muséum, afin de découvrir la chasse sur le terrain. Mon enthousiasme fut immédiat, après quelques négociations avec mes parents, mon départ fut confirmé. Quand on a rêvé toute son enfance de partir dans la forêt amazonienne ! Cette forêt si mystérieuse et pourtant rendue si célèbre par son triste sort. Est-ce que ce voyage sera à la hauteur de mon imagination (imagination nourrie par de nombreuses lectures sur le sujet).

Enfin le jour du départ arrive... Lors du vol j’ai fait connaissance avec le reste de l’équipe. Tous poussés par le même désir d’aventure, nous allions vivre quinze jours inoubliables en plein coeur de la forêt tropicale. L’arrivée sur Cayenne nous fit découvrir cette immensité verte.

L’acheminement vers le camp se fit en 4x4 et de nuit. Ce fut seulement le lendemain, après une nuit passée à me battre avec les moustiques et à remonter dans mon hamac, que le vrai visage de la forêt vierge m’apparut. Quel plaisir de se réveiller au milieu d’arbres mesurant plus de quarante mètres de hauteur et emplis d’une faune grouillante. On sent que cette forêt est vivante rien que par les bruits qui en émanent, comme ceux des singes hurleurs, qui s’entendent à plusieurs kilomètres. Au cours des chasses à vue le jour j’ai appris à connaître et à reconnaître les insectes de cette forêt, comme les Calicromat, Megasoma et les Stratocles (qui sont les seuls phasmes que l’on ait vu voler en plein jour, par dizaine, à la manière des papillons).

La prospection de la canopée a été pour moi très instructive. On n’imagine pas la densité de la population que l’on peut y trouver. Que la surprise est grande, quand on récolte des phasmes tel le Prisopus, alors la légende du phasme "aquatique" se dévoile soudain. Mais c’est à l’approche de la nuit que s’installe l’ambiance la plus fantastique, si différente du jour. Des cris se font entendre de toutes parts, pour la plupart inconnus de notre ouïe. C’est dans cette atmosphère un peu inquiétante que nous collections à l’aide de nos lampe frontales de nombreux phasmes, tels les grands Bacteria, les Stratocles, ou encore par une nuit, qui restera féerique, un Cramdium, bien camouflé dans son "pseudo-ficus". Au milieu de cette forêt on perd la notion du temps, on se sent bien peu de chose, mais très vite, après de multiples chasses de nuit et de jour, le jour du départ arriva. C’est avec la tête remplie d’images, d’odeurs et de sensations que nous avons quitté cette région fantastique, laissant derrière nous. de nombreux mystères en suspend ; comme cette "cohabitation" entre le Stratocles se nourrissant de feuilles du "Bois canon" où vivent des fourmis. Peut-être les éluciderons-nous lors d’un prochain voyage.

Dès lors, je remercie Pierre-Emmanuel de m’avoir permis de réaliser un rêve qui me tenais à coeur.

Yannick GEFFROY


Ce voyage c’était pour moi le moyen unique de découvrir la forêt tropicale Guyanaise. Conscient qu’il ne fallait pas rater cette chance rare, je me lançai aussi dans l’aventure. Le premier contact avec la Guyane fut l’humidité. L’air est presque saturé en eau, les pluies sont ici énormes les vêtements collent, heureusement il ne fait pas trop chaud (entre 25 et 30 °C). Nous avions pourtant voyagé longtemps, mais une fois arrivé au camp, après quelques préparations et un bon repas, nous n’avons pas pu résister à notre première chasse de nuit à la lampe frontale. Après seulement quelques minutes de chasse la première rencontre eut lieu avec un des plus grands phasmes guyanais : une grosse femelle de Bacteria. La première constatation fut la densité des phasmes, celle-ci ne semble en apparence pas beaucoup plus importante que celle du sud de la métropole. Par contre il y a beaucoup plus d’espèces différentes, c’était un vrai régal.

La découverte de cette forêt se fit donc de nuit, avec toutes les surprises biologiques inhérentes à ce biotope, les moustiques (une horreur), puis les attaques de guêpes, les fourmis, les toiles d’araignées géantes, les cris très étranges, mais heureusement la forêt est d’une immense beauté. Dans ce milieu on réalise très rapidement que nous sommes peu de chose face à ce monde, on ne peut que le respecter.

Les phasmes rencontrés me changent beaucoup de ceux vivant en métropole, la seule chose ne changeant pas : c’est la technique de chasse, j’y suis heureusement déjà très habitué. Il ne restait plus qu’à découvrir les principales plantes hôtes. Après plusieurs chasses nous avons facilement identifier les deux plus riches en phasmes qui sont : le "bois canon" (Cecropia peltata) pour les Stratocles et le "pseudo-ficus" (Vismia gnianensis) pour la majorité des autres phasmes. Ensuite nous avons constaté que certaines espèces vivaient au ras du sol comme les Bacteria, d’autres entre un et deux mètres comme les Citrina, Phasma..., d’autres encore apparemment assez haut dans les arbres comme les Stratocles, et peut-être même les Cranidium. Ceci expliquerait que nous ayons trouvé très peu de ce dernier phasme, car nos recherches ne se faisaient que entre un et trois mètres de haut au maximum pour des raisons évidentes. Le cas de Stratocles est particulier car ne vivant que sur une seule plante, qui de plus est toujours isolée et très peu touffue, il était très facile de les trouver. Rapidement nous constations que l’ampleur des prises était liée directement au taux d’humidité de l’air. Les meilleures chasses ont systématiquement été faites après les plus importantes pluies et lorsque la forêt était envahie par le brouillard.

Les chasses de jours par pulvérisation au niveau de la canopée sont surprenantes, surtout au niveau de la quantité et la qualité des insectes prélevés. La strate prospectée étant encore pratiquement inexplorée nous avons donc très certainement collecté des insectes pas ou peu connus, voire rares. Mon meilleur souvenir reste la découverte des Prisopus, quels curieux phasmes vraiment très différents de tous les autres et qui de plus sont magnifiques.

Cette mission fut très réussie, l’esprit d’équipe fut rapidement établi et l’ambiance fut studieuse tout en étant joyeuse. Le bonheur pouvait se lire sur tous les visages même dans les moments les plus difficiles. Chacun à pu appendre et apporter une énorme quantité de choses aussi bien au niveau scientifique qu’au niveau humain.

Merci à tout le monde, c’était vraiment merveilleux !

Philippe LELONG


C’est à quelques mètres de l’aéroport que nous avons attrapé nos premiers spécimens de sauterelles, fourmis... Les journées passées au camp de Patawa, étaient elles aussi très bien remplies, dormir dans un hamac, se faire piquer par les moustiques, prendre une douche à l’eau froide : quoi de plus stimulant pour deux semaines en pleine forêt ?

Grâce à un emploi du temps souple, j’ai pu chasser les papillons et insectes comme beaucoup d’autres, mais le mieux était la chasse en canopée. D’abord le choix de l’arbre se faisait par son accessibilité, la densité de son feuillage et sa hauteur. Chaque arbre était un cas particulier, mais mon meilleur souvenir reste pour l’avant-dernier arbre. Notre technique était bien rodée et c’est ainsi que nous avons pu attraper de très belles sauterelles, de très grands scolopendres et bien-sûr des phasmes. Chaque prise de phasme était un événement. Ce qui m’a beaucoup plu dans ces mini-expéditions menées par un groupe soudé, c’était la participation de chacun dans la joie et aussi la découverte d’espèces extraordinaires. De même, les chasses de nuit ont été merveilleuses pour moi. Il fallait continuellement être à l’affût pour découvrir les phasmes cachés sur les feuilles et de loin, c’était Philippe le meilleur "chasseur".

Voilà en quelques lignes mes impressions sur cette mission en Guyane que je ne suis pas prêt d’oublier. J’espère que ces missions se multiplieront pour permettre une meilleure connaissance des phasmes et aussi pour que des passionnés des insectes puissent découvrir de très belles espèces.

Jérôme SOLARD


15h00, la pulvérisation vient de démarrer. Le précieux produit enveloppe la canopée à 50 mètres du sol. Il sort soudain du feuillage, les ailes déployées et se laisse planer jusqu’à la bâche. Il faut faire vite, il est suivi par un deuxième, ils sont là devant moi, deux superbes Olinta bubastes quelques instants d’émotion intense qui me bloquent sur place, puis tout s’accélère, l’équipe est parfaitement rodée, Philippe attrape le deuxième cordage de direction, Frédéric arrive avec un bocal, Stéphane fait stabiliser le pulvérisateur et se précipite sur la bâche avec Jérôme.

En quelques secondes au travers de quelques gestes où à l’aide d’un simple regard tout s’est organisé pour collecter les espèces extraordinaires de phasmes, sauterelles, blattes... qui tombent de cet arbre n° 4. Les gestes doivent être précis et rapides, il ne faut pas laisser s’échapper une sauterelle ou une blatte qui courre encore sur la bâche. Mais il ne faut pas non plus lâcher les cordages dans la précipitation, car le pulvérisateur est à 50 mètres du sol et une simple erreur d’inattention serait dramatique.

Ces quelques minutes inoubliables viennent s’ajouter à toutes celles que j’ai vécues, entouré d’une équipe particulièrement soudée et dynamique.

Un grand merci à tous ces passionnés qui ont travaillé à mes côtés : David, Frédéric, Jérôme, Philippe, Stéphane et Yannick. Mais aussi à Florence qui jour après jour nous préparait le matériel au camp pour notre retour et qui travaillait sur les récoltes avec nous.

Enfin, je ne pourrai conclure sans remercier tout particulièrement Stéphane qui m’a accompagné tout au long de la préparation de cette mission, qui a effectué sur le terrain un travail formidable avec le reste de l’équipe et qui chaque soir, et souvent fort tard dans la nuit, faisait à mes côtés le bilan de la journée.

Que tous trouvent ici l’expression de ma plus profonde gratitude et qu’ils sachent que je suis prêt à repartir avec eux pour la mission du G.E.P. 94.

Pierre-Emmanuel ROUBAUD (responsable de la mission)

 
Post Scriptum :
Les articles cités sont issus de la revue du GEP "Le Monde des Phasmes". Liberté a été prise sur notre site de re-publier certains articles sans pour autant nécessairement contacter leurs auteurs. Néanmoins, en cas de désaccord et afin d’éviter toute méprise, ces articles pourront être retirés sur simple demande du dit auteur.