Description d’un Gynandromorphe d’Extatosoma tiaratum (Macley, 1827)
dimanche 24 septembre 2006
par brunob

E. Bruyère

LE MONDE DES PHASMES n° 20 (Decembre 1991)

Le gynandromorphisme est la consĂ©quence d’un accident affectant la rĂ©partition des chromosomes sexuels au cours des mitoses de segmentation ; le corps de l’animal se trouve alors constituĂ© simultanĂ©ment de parties mâles et de parties femelles.

Lorsque la rĂ©partition des parties Ă caractère et de constitution mâle et femelle se rĂ©alise de chaque cĂ´tĂ© du corps de l’animal, on parle de gynandromorphe bipartite.

Durant toute la phase prĂ©imaginale rien n’a retenu mon attention ; cet individu d’Extatosoma tiaratum avait l’apparence d’une femelle (taille et coloration). Ce n’est qu’Ă la mue imaginale (après que le dimorphisme sexuel se soit entièrement exprimĂ©) que j’ai remarquĂ© sa morphologie particulière. En effet, malgrĂ© son apparence de femelle et sa taille intermĂ©diaire entre mâle et femelle (10 cm de la tĂŞte Ă l’extrĂ©mitĂ© de l’abdomen) il possĂ©dait une aile droite parfaitement dĂ©veloppĂ©e. Il prĂ©sentait Ă©galement une torsion de l’abdomen vers la droite très accentuĂ©e.

Contrairement Ă ce qui a Ă©tĂ© observĂ© par P.D. Brock en 1989 chez Heteropteryx dilatata (Parkinson, 1798) (voir ici un gynandromorphe d’H. dilatata) la rĂ©partition des caractères mâles et femelles est asymĂ©trique, nous ne pouvons donc pas parler de gynandromorphe bipartis vrai. En effet, de la tĂŞte au mĂ©sothorax l’individu prĂ©sente uniquement des caractères femelles :

- absence des trois ocelles prĂ©sents chez les mâles.
- antennes Ă©gales et constituĂ©es d’articles courts.
- deux premières paires de pattes avec des expansions foliacĂ©es bien dĂ©veloppĂ©es et identiques.

En revanche, Ă partir du mĂ©tathorax et jusqu’Ă l’extrĂ©mitĂ© de l’abdomen, il y a apparition des caractères mâles du cĂ´tĂ© droit :

- aile droite parfaitement dĂ©veloppĂ©e, plus longue que chez un mâle normal.
- patte postĂ©rieure droite avec des expansions foliacĂ©es plus rĂ©duites qu’Ă gauche et moins Ă©pineuses.
- excroissances des derniers segments de l’abdomen largement moins dĂ©veloppĂ©es du cĂ´tĂ© droit.

Cette asymĂ©trie se trouve Ă©galement sur la partie ventrale de l’animal ; le mĂ©tasternum. Le cĂ´tĂ© mâle ne prĂ©sente qu’une petite Ă©pine centrale et une rangĂ©e d’Ă©pines sur le bord, moitiĂ© moins grandes que du cĂ´tĂ© femelle, qui est parsemĂ© de petites Ă©pines. La prĂ©sence d’Ă©pines plus grandes et en nombre plus Ă©levĂ© s’observe Ă©galement Ă la face infĂ©rieure des segments de l’abdomen du cĂ´tĂ© femelle.

Comme je l’ai dĂ©crit prĂ©cĂ©demment, l’extrĂ©mitĂ© du corps est entièrement bouleversĂ©e par la torsion droite de l’abdomen. De ce fait, la plaque sous-gĂ©nitale n’est plus dans l’axe du corps mais dĂ©viĂ©e vers la gauche. Dès la mue imaginale, l’extrĂ©mitĂ© de l’abdomen a suintĂ© comme s’il y avait une plaie. A la fin de la vie de ce phasme le bout de l’abdomen formait une excroissance informe envahie par des moisissures. Il semble que cette dĂ©formation de l’extrĂ©mitĂ© post-abdominale reflète un bouleversement interne important. En effet, cette torsion a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e par Cappe de Bâillon en 1931 sur la descendance de monstres de Carausius morosus. Il semble qu’au niveau interne tous les cas peuvent ĂŞtre trouvĂ©s :

- prĂ©sence uniquement des organes sexuels mâles.
- prĂ©sence simultanĂ©e des organes sexuels mâles et femelles.
- organes sexuels mâles dĂ©veloppĂ©s et organes sexuels femelles plus ou moins atrophiĂ©s.

N’ayant pas dissĂ©quĂ© ce spĂ©cimen, il m’est impossible de dire quelle configuration interne il prĂ©sentait.

La description ne serait pas complète si je ne signalais pas un fait remarquable. En effet, il présentait des coussinets blancs àcertains tarses.

D’un point de vue Ă©thologique, cet individu n’a pas prĂ©sentĂ© de comportement particulier. Je l’ai gardĂ© en captivitĂ© en prĂ©sence d’un mâle et d’une femelle d’Extatosoma tiaratum et j’ai pu observer Ă plusieurs reprises le mâle se positionner sur le gynandromorphe, cependant aucun essai d’accouplement n’a Ă©tĂ© constatĂ©. En outre, aucun oeuf n’a Ă©tĂ© pondu.

Ce spĂ©cimen a vĂ©cu un peu moins de neuf semaines Ă l’Ă©tat adulte.


BIBLIOGRAPHIE

Brock P.D. (1989) : Heteropteryx dilatata (Parkinson) Gynandromorphe - Le Monde Des Phasmes n°4 ; p. 24.

Cappe De Bâillon P. (1931) : Recherche sur la tĂ©ratologie des insectes II. La descendance des monstres de phasmes. EncyclopĂ©die Entomologique n° XIV. Lechevalier Edt. ; 350 p.

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