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Le Monde des Insectes

Le site et le forum insecte.org sont le lieu de rencontre de tous les passionnés d’insectes, quels que soient leur niveau, leur approche et leurs objectifs.

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Il privilégie un esprit de convivialité, sans imposer de hiérarchie officielle, pour que les discussions puissent s’enrichir librement aussi bien des erreurs des uns que des explications patientes de ceux qui en connaissent plus.

ANIBARA

Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.

L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.

Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr

Un, deux, trois, Sortez !
l’éclosion des oeufs d’Extatosoma tiaratum (Macleay, 1827)
lundi 15 mai 2006
par Arno

J.-Y.Robert

LE MONDE DES PHASMES n° 23 (Septembre)

Chaque débutant dans l’élevage des phasmes , ou d’autres insectes, constate rapidement que ses pensionnaires montrent un rythme d’activité variable suivant le moment du cycle journalier. Il aura par exemple immanquablement remarqué que les phasmes, dans leur grande majorité, sont immobiles pendant la journée, s’activent seulement à partir de la tombée de la nuit. L’observation relatée ici est un exemple particulièrement frappant de ces phénomènes chronologiques. Elle concerne l’éclosion des oeufs d’Extatosoma tiaratum (Macleay, 1827)

CONDITIONS ET HISTORIQUE DES OBSERVATIONS

Une quinzaine de femelles exposées au public dans l’insectarium de la citadelle de Besançon (Robert, 1993) entre juin et octobre 1992, m’ont donné environ 5000 oeufs (2000 ont été légués au stand G.E.P. à la bourse de Paris en novembre 1992).

Une fois triés, les oeufs sont étalés dans une boite en plastique transparent (boites "LAB 5" : 240x180x100 mm) sur une couche de terreau bien tassé (épaisseur 2 cm), puis recouverts par 1 cm de terreau non tassé afin de faciliter l’émergence des nouveaux nés. Quelques trous percés dans le couvercle suffisent pour l’aération tout en limitant l’évaporation. Le tout est placé dans une pièce chauffée automatiquement en toutes saisons à 24°C (+ ou - 1°C) et éclairée artificiellement 12 heures par jour (tube néon sur minuterie). Un ou deux arrosages hebdomadaires, lorsque le terreau se dessèche en surface, suffisent pour maintenir un taux d’humidité convenable.

A partir du début janvier, les éclosions sont abondantes et les phasmes nouveau-nés sont prélevés une fois par jour et placés dans des enceintes d’élevage de différents types qui font l’objet d’un suivi minutieux de la mortalité, point délicat chez cette espèce (Robert, en préparation).

Un matin, alors que je venais de retirer tous les phasmes de l’éclosoir quelques dizaines de minutes auparavant, je constate avec étonnement qu’une bonne quinzaine de nouveau nés arpente déjà la boite en tous sens ! Comparé au nombre total de phasmes habituellement obtenus quotidiennement il m’est apparu clairement qu’il s’agissait d’un phénomène d’éclosion en masse. Se répétait- il chaque jour, au même moment, et avec la même intensité ? Je me proposais de vérifier cette hypothèse en faisant l’effort de compter le nombre des éclosions à intervalles de temps réguliers. Les résultats de quelques jours d’observations, consécutifs ou non sont présentés en figure n° 1.

DES ECLOSIONS SYNCHRONISEES...

La première série de graphes montre clairement un phénomène d’éclosion massives en fin de matinée : en moyenne 65% des éclosions quotidiennes ont lieu chaque jour entre 9H30 et 12H30 ! N’ayant pas poussé l’abnégation jusqu’a dormir sur mon lieu de travail pour compter les éclosions toutes les heures j’ai noté "Nn" le nombre des éclosions effectuées durant mon absence (période longue d’environ 15 heures). Ce nombre est équivalent ou inférieur à celui obtenu pendant une heure d’éclosion massives . Ainsi, le nombre moyen des émergences durant cette période (Nn/15) est à peine d’une à deux éclosions par tranche horaire de deux heures !

Les extrapolations réalisées (courbes d’éclosions théoriques) semblent donc plausibles. La périodicité de ce phénomène est approximativement égale à 24 heures, si l’on ne tient pas compte des légers décalages observés d’une date à l’autre (vraisemblablement imputables à diverses imprécisions concernant l’heure des relevés et la mesure du temps).

UNE EXPLICATION LUMINEUSE !

Une fois le phénomène d’éclosions massives à heure fixe admis, il restait à élucider le mystère de cette synchronisation des émergences.

On peut d’ores et déjà éliminer l’hypothèse d’un rythme de ponte particulier des femelles. Même si cela était le cas ( ?), les quelques mois écoulés entre la ponte de l’oeuf et son éclosion rendraient de toute façon bien improbable la conservation dans le temps de cette périodicité. De plus, la durée d’incubation d’oeufs d’âge identique placés dans les mêmes conditions est généralement assez variable.

Les éclosions doivent donc être calée sur une modification au cours d’un cycle journalier d’un ou plusieurs des paramètres physiques d’élevage. Or, comme nous l’avons déjà dit, la température de la pièce est constante, l’humidité du substrat variant quand à elle sur des périodes assez longues et irrégulières.

La seule modification quotidienne est donc l’alternance jour/nuit (12H/12H, éclairage automatique de 7H00 à 19H00). Le pic des éclosions se situe alors environ 4H30 après le début de la phase diurne.

Pour tenter de vérifier cette hypothèse, nous avons décalé le programmateur, contrôlant la mise sous tension des éclairages, de 2H00 (allumage de 9H00 à 21H00). La seconde série de courbes de la figure 1 présente les dénombrements obtenus dans les jours suivants. Les relevés ne confirmant pas l’hypothèse précédente, les émergences maximales ayant toujours lieu approximativement aux mêmes heures. Faute de naissances, l’expérience n’a pu être prolongée au delà de 15 jours, le nombre de naissances quotidiennes étant alors insuffisant (ceci résultant d’une décroissance progressive des éclosions amorcée depuis le début des observations).

Toutefois, ce relatif échec ne remet pas forcément en cause l’hypothèse d’un rythme calé sur la photopériode, dans la mesure où l’expérience n’a pu être réalisée que sur une période courte, le phénomène étudié étant peut-être très progressif.

UN RESULTAT SURPRENANT...

Si l’on admet les lignes précédentes, on doit aussi admettre que les phasmes prêts à éclore sont capables de détecter l’alternance jour/nuit et en particulier le début de la phase diurne ! Convenons en, de la part d’insectes enfermés dans des oeufs à chorion dur et opaque ( ?), enterrés sous 1 cm de terreau, cette faculté est le moins surprenante !

D’autre part, ces éclosions diurnes vont à l’encontre de ce qui s’observe habituellement chez les autres espèces de phasmes, les nouveau-nés émergeant généralement pendant la nuit (observations réalisées personnellement avec Eurycantha calcarata, Carausius morosus, Pharnacia acanthopus et Acrophylla wuelfingi). Existe-t-il chez ces espèces un rythme particulier des éclosions durant la nuit ? Sont-elles également capables de détecter in ovo des variations d’intensité lumineuse ?

Sur le deuxième point, la réponse est vraisemblablement positive, puisque les observations citées ont été réalisées dans les mêmes conditions d’élevage que pour E.tiaratum (tous les paramètres constants excepté l’éclairement). Quand à la réponse à la première question, elle mériterait d’être étudiée : avis aux noctambules !

EN CONCLUSION

La présente étude, si modeste soit-elle, montre qu’il existe un rythme particulier des éclosions chez E. tiaratum. Ce phénomène est apparemment "calé" sur le début de la phase diurne : les 2/3 des éclosions quotidiennes s’étalent sur seulement trois heures consécutives le pic étant observé dans nos conditions d’élevage environ 4H30 après le début du jour artificiel.

La relation entre la photopériode et le rythme d’activité des insectes a été démontrée dans de nombreux cas (Ashoff, 1965 ; Beck. 1968). Mais, l’influence des facteurs externes comme la lumière (Beck, 1968) ou la température (Taylor, 1963) sur l’activité des insectes est souvent indissociable de celle des rythmes à pulsion endogène, c’est à dire dépendant d’une sorte d’horloge interne" (Bunning, 1967). La preuve expérimentale et la détermination de la période de ces rythmes endogènes potentiels, auraient pu être étudiées en plongeant l’éclosoir dans 1 obscurité complète 24H sur 24H, afin de supprimer la référence à la photopériode et laisser s exprimer les rythmes internes seuls.

Quoiqu’il en soit, les explications, les avantages ou les inconvénients possibles de ce phénomène cyclique d’éclosion sont multiples et il n’est pas question ici d’en dresser la liste songeons simplement que dans les biotopes naturels d’Extatosoma tiaratum ces éclosions groupées, si elles s’y vérifient, "permettent" peut-être aux nouveaux nés de prendre contact avec leur environnement aérien à un moment favorable sur le plan micro climatique donnant ainsi lieu a une dissémination rapide dans les meilleures conditions. Mais j’extrapole j’extrapole... A quand une vérification in natura dans le pays des kangourous ?


REFERENCES

- Aschoff, J. (1965) Circadian docks. North Holland Publishing Co., Amsterdam 479 p.
- Beck, S.D.(1968)Insect photoperiodism. London Académie Press. 288 p.
- Bunnmg, E.(1967) The physiological dock. Springer Verlag,New-York. 167 p.
- Robert J.-Y. (1993) Des insectes vivants à la rencontre du grand public : l’Insectarium de Besançon. Insectes. 82 (2), 5-9.
- TaylorL.R. (1963) Analysis ofthe effect of température on insects in flight. J. Anim. Ecol.. 32,99,117

N.D.L.R. : Chez certaines espèces de phasmes les naissances se font aussi après la levée du jour Chez Leptynia hispanica par exemple les observations ont montré que chez cette espèce les éclosions ont essentiellement lieu entre 4 et 5 h du matin au mois de février et mars, ce qui est bien avant le lever du jour (voir article publié en 1990 dans le Monde Des Phasmes n 8 page 8). Chez cette espèce les éclosions ont toujours lieu à la même heure ou à peu à près et ce n’est certainement pas la lumière qui est le facteur déclenchant. Des oeufs de phasme éclosent quand même, alors qu’ils ont été conservés dans l’obscurité la plus totale . II y a donc bien quelque chose d’autre que la lumière ou du moins quelque chose en plus. Il sera peut-être aussi intéressant de regarder l’article de F. Nijsen : The biological dock of Phasmids The circadian ritme publié en Néerlandais dans la revue Phasma 2 n° 8 (décembre 1992) pages 1 et 2. En regardant attentivement les figures n°1 et 2 on constate qu’il y a tout de même un léger décalage dans les courbes. Pour les graphes de la figure n° 1 le maximum d’éclosions se situe surtout vers 11 heures alors qu’il semble plutôt vers 12 heures sur les graphes de la figure n°2. Le profil est aussi différent, figure n° 1 apparition des naissances brutale puis baisse progressive alors que dans le figure n°2 les éclosions augmentent puis baissent régulièrement.

 
Post Scriptum :
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