Tératologie
mercredi 6 juin 2007
par brunob

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Victor SPRETER - Le Monde des Phasmes n°8 - juin 1990

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Etymologiquement la tératologie est la science des monstres où plus simplement l’étude des malformations.

Peut-on en parler à propos des Phasmatodea ?

Il semble que l’on puisse répondre par l’affirmative, car il ne nous parait pas abusif de considérer le gynandromorphisme comme une véritable malformation.
Rappelons que le gynandromorphisme désigne la présence simultanée chez un individu des caractères sexuels mâles et femelles.

Chez les insectes, le dimorphisme sexuel est souvent très marqué, en particulier chez le lépidoptères.
Le gynandromorphisme est généralement latéral. Il se manifeste alors par l’aspect étrange de l’animal.
Un des côtés du corps, par son aspect, ses dimensions, sa teinte, est typique d’un sexe, tandis que l’autre l’est du sexe opposé.

Les individus gynandromorphes sont non seulement attrayants pour leurs congénères de l’un et de l’autre des deux sexes, mais également pour les collectionneurs qui sont prêts à débourser de grosses sommes pour leur possession.

Notre ami Paul D.BROCK, dans un article paru dans le N° 48 du " Bulletin of the Amateur Entomologists Society " ( un extrait de cet article figure dans la revue N° 4 du GEP) traite du gynandromorphisme chez les Phasmatodea. 9 articles sur le sujet sont cités en référence. L’auteur décrit deux cas de gynandromorphisme chez Heteropteryx dilatata. A voir les dessins qui illustrent l’article on est en droit de parler de monstres !

Les observations personnelles relatées ci-après proviennent de l’observation d’une toute autre forme de monstruosité qui résulte de l’extraordinaire aptitude qu’ont les Phasmatodea à régénérer leurs membres perdus par accident.
On sait que cette aptitude ne se manifeste que chez les individus aux stades juvéniles et qu’elle se perd à l’état adulte.

Voici les faits : à l’issue de la première réunion du G.E.P tenue à Paris le 14 Octobre 1989, j’ai reçu d’un aimable collègue, dont je n’ai pas retenu le nom, mais qui se reconnaîtra, une douzaine d’oeufs d’Extatosoma tiaratum, une semaine plus tard l’un d’entre eux éclosait en donnant naissance à un bien étrange individu : Une femelle dont la paire de pattes antérieures, celle attachée au prothorax était affectée d’une grave malformation, beaucoup plus petite que les quatre autres pattes, recourbées sur elles-même, elles étaient impropres à la locomotion et donnaient l’impression que l’animal était porteur d’une paire de cornes. Nullement affecté par ces curieux appendices, la bestiole à la recherche de nourriture se déplaçait avec beaucoup d’aisance sur ses quatre pattes valides . En l’occurence, mon Maître le grand biologiste et généticien que fût Emile GUYENOT aurait parlé de "pattes vestigiales", gardons l’adjectif.

Début Février première mue et là nouvelle surprise : la taille du jeune a doublé, les pattes antérieures sont cette fois absolument normales. Les pattes postérieures par contre ont pris l’aspect vestigial. La locomotion demeure aisée. Le curieux transfert de la malformation d’une paire de pattes à une autre est illustré par les deux dessins qui accompagnent ces lignes :

Dès lors que va-t-il se passer lors de la prochaine mue ?
Est-ce la paire médiane qui deviendra vestigiale ou est-ce que tout rentrera dans l’ordre pour que se forme un individu normal ?
Il faut espérer que la jeune femelle Extatosoma tiaratum survive à ses tribulations pour que prenne fin un insoutenable suspense !

Quelles explications proposer à cet étrange Phénomène ? A noter qu’aucune autre naissance n’a eu lieu jusqu’à ce jour.
S’agirait-il d’une " prématurée " avec les conséquences que l’on peut imaginer ? Quelle avait été la durée de l’incubation de l’oeuf dont est issu notre petit monstre ? dans quelle condition s’est-elle déroulée ? Nous l’ignorons.
On peut faire l’hypothèse hardie de l’action d’un produit tératogène qui aurait été absorbé par la mère avant la ponte (analogie avec les effets dûs à la Thalidomide de triste mémoire).
Peu probable mais à considérer, néanmoins les effets d’une irradiation accidentelle ou ceux dus à une température anormalement basse où élevée.

Une dernière observation : contrairement à la plupart des jeunes et surtout des adultes qui sont généralement immobiles durant la journée, l’animal en question est en presque perpétuel trémulation.

Article du 25 Février 1990


Le 7 Mars .

Monsieur SPRETER nous a communiqué la suite de ses observations :

La jeune femelle d’Extatosoma tiaratum pré-citée, subissait le 6 mars sa troisième mue, après une période d’agitation inhabituelle.
Elle avait également cessé de se nourrir depuis quelques jours. A ma grande surprise les deux pattes postérieures qui étaient totalement difformes sont apparues presque normales. Bien que très légèrement plus menues que les quatre autres, ces pattes sont tout à fait fonctionnelles.

Autres observations : après avoir mué le jeune femelle a recherché et trouvé son exuvie dont elle a rapidement fait sa première nourriture. (aucune autre éclosion d’oeuf à ce jour).

Le 24 Mars 1990, Monsieur SPRETER nous communiquait ces dernières observations :

La femelle Extatosoma tiaratum vient de subir sa quatrième mue et se trouve dotée de 6 pattes absolument normales !

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