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Le Monde des Insectes

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Il privilégie un esprit de convivialité, sans imposer de hiérarchie officielle, pour que les discussions puissent s’enrichir librement aussi bien des erreurs des uns que des explications patientes de ceux qui en connaissent plus.

ANIBARA

Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.

L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.

Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr

Une mort non élucidée chez Extatosoma tiaratum
mercredi 16 mai 2007
par brunob
Fabien BRIMONT, Revue Entomon n°3 / GEPAI 1998

Introduction :

La cuticule, chez les phasmes et chez tous les insectes en général, est comparable à une armure protégeant l’individu des agressions du milieu extérieur et notamment de la dessiccation, fatale pour l’insecte. De plus, en statut d’armure, la cuticule possède une certaine dureté engendrée par le tannage des protéines constituant les différentes couches de la cuticule. Lorsque ce durcissement est mal ou pas du tout réalisé, la survie de l’individu devient alors infime. J’ai observé ce phénomène sur un individu femelle de l’espèce Extatosoma tiaratum.

Observations sur Extatosoma tiaratum :

Je possède quatre couples d’Extatosoma tiaratum que j’ai placés avec des individus moyens des espèces Acrophylla wuelfingi et Haaniella dehaani.
L’enceinte, mesurant 50 cm de longueur, 30 cm de hauteur et 30 cm de profondeur, amplement suffisante pour les mues imaginales d’Extatosoma tiaratum, est chauffée par un cordon chauffant (3,5 m ; 15 W) et éclairé par un néon de type " Gro-lux " de 15 W également. La température de l’enceinte varie alors entre 20 et 25°C, le maximum étant atteint pendant la journée.

Sur mes quatre couples, un seul était au stade L5, les autres n’étant qu’au stade L3. J’ai acquis ce couple au début du mois de mai 1998 au cours d’une exposition. Les individus ont bien supporté le transport jusqu’à mes élevages, en dépit de la canicule qui régnait alors, et se sont vite habitués à leur nouvel environnement. En effet, ils se nourrissaient abondamment aussi bien le jour que la nuit.

Au stade L5, le mâle est subadulte. Par contre, à ce stade, la femelle doit encore effectuer deux mues pour atteindre le stade imaginal.

La femelle en question a effectué sa mue du stade L5 au stade L6 le 21 Mai 1998 au cours de l’après-midi. Celle-ci s’est très bien déroulée : l’animal n’est pas resté prisonnier de son exuvie et aucune patte n’a été endommagée au cours de l’opération.

J’ai constaté un amaigrissement de l’individu peu après son changement de cuticule. Ce phénomène peut être considéré comme " normal " car la phase inter-mue est caractérisée par une augmentation du poids, la phase de mue par une perte de poids due à un jeun de quelques jours avant l’exuviation.

Toutefois, le comportement de cette femelle a attiré mon attention la semaine suivant sa mue. En règle générale, l’animal retrouve son appétit au bout de quelques jours. Le premier élément qui m’a intrigué fut l’anorexie que présentait cette femelle.
Toujours suspendue au même endroit du couvercle de l’enceinte, elle ne dévorait plus les feuilles de ronces placées à sa proximité. Elle se déplaçait peu ou pas du tout. Dans un premier temps, j’ai pensé qu’à ce stade, les femelles de cette espèce préféraient se nourrir la nuit. De ce fait, plusieurs nuits de suite, je me suis levé pour observer un quelconque changement.
En vain : celle-ci était inexorablement immobile.

De plus, dans un second temps, je remarquai que la cuticule restait molle.
Ordinairement, après une mue, la nouvelle cuticule de l’insecte reste quelque peu lâche durant une journée environ, durée au cours de laquelle s’effectue le tannage des protéines cuticulaires, c’est-à-dire un ensemble de réactions chimiques catalysées par les gaz de l’air, visant à donner à la cuticule ses propriétés de résistance, indispensables à la survie de l’individu. Cette constatation ne m’a pas alarmé au départ. Ce n’est qu’à la fin du mois de Mai que j’ai réalisé que cette femelle ne survivrait pas, d’autant plus que j’avais remarqué son manque d’appétit, inconcevable pour une espèce aussi vorace qu’Extatosoma tiaratum.

Je n’ai finalement noté sa mort que le 1er Juin 1998 en début de soirée, soit onze jours après sa mue. En effet, l’individu ne tenait plus accroché au feuillage que par une de ses deux pattes antérieures, les griffes étant assez puissantes pour maintenir le corps dans cette posture. Encore vivante, cette femelle aurait cherché à se suspendre au feuillage grâce à ses six pattes. En réalité, elle était peut-être déjà morte depuis un certain temps, son corps étant soutenu par les griffes dans une position la laissant pour vivante.

Dès lors, je décidai de réaliser une dissection afin de trouver d’éventuels indices permettant d’expliquer la mort de cette femelle.
Je notai une forte régression de l’hémolymphe, liquide baignant la cavité générale (hémocoele). Le tube digestif se détacha très facilement et dénonça le comportement alimentaire de l’individu en question : le stomodeum était vide, contrairement au mésentéron et au proctodeum qui, eux, contenaient encore des matières végétales en cours de digestion. Effectivement, l’insecte ne s’alimentait plus depuis un bon moment, une semaine environ.

De plus, alors que le corps était ouvert, je distinguai encore des contractions du vaisseau dorsal (la dissection a été réalisée sur la face ventrale et non sur la face dorsale comme le voudrait la manière empirique) correspondant probablement à un artefact dû aux manipulations réalisées sur les organes.

La mollesse prolongée de la cuticule m’a conduit à penser que la mort provenait peut-être d’un défaut de tannage de la cuticule. C’est pourquoi je me suis alors intéressé aux processus physiologiques de ce phénomène.

Déterminisme du tannage de la cuticule :

Suite à l’exuviation, l’insecte se déploie en se gonflant d’air. En effet, sa nouvelle cuticule, occupant une plus grande surface que l’ancienne, est plissée sous l’exuvie. Dures à l’air libre, les couches supérieures de la cuticule (épicuticule et exocuticule) restent souples à l’abri de l’air.

Le tannage des couches supérieures s’effectue sous contrôle hormonal. Le durcissement de la cuticule est sous l’influence du bursicon, hormone sécrétée par les corps cardiaques (corpora cardiaca), glandes endocrines situées entre le cerveau et les corps allâtes. Le bursicon favorise donc la rigidification de la nouvelle cuticule après la mue.

Tentatives d’explication :

Ceci m’a permis d’émettre une première hypothèse : l’individu que je possédais en élevage pouvait très bien présenter une déficience au niveau de la sécrétion de bursicon, soit par dégénérescence des corps cardiaques responsables de la production de cette hormone, soit par développement de tumeurs au niveau de ces glandes. Dans ce cas, comment expliquer la disparition soudaine de tannage alors qu’auparavant la cuticule paraissait parfaitement remplir sa fonction ?

Ces questions m’ont alors conduit à chercher d’autres hypothèses pouvant expliquer cette mort.
Une mauvaise sécrétion de chitine, autre constituant fondamental de la cuticule aurait peut-être été la cause de la mort de l’animal, par déshydratation progressive (la disparition de l’hémolymphe venant étayer cette supposition), déshydratation d’autant plus progressive que l’enceinte dans laquelle évoluait cette femelle doit présenter une hygrométrie d’au moins 90% de par la présence du cordon chauffant dans le terreau humide qui recouvre le fond. Ce taux d’hygrométrie pourrait-il être trop important pour Extatosoma tiaratum ?

L’hypothèse de l’empoisonnement est écartée car tous les individus de l’enceinte seraient morts. De plus, les ronces que je prélève dans la nature ne sont pas susceptibles de présenter des produits insecticides.

L’hypothèse de la dégénérescence n’est pas à rejeter. En effet, bon nombre d’éleveurs possédant cette espèce en élevage en ont souvent fait la malheureuse expérience : l’élevage fonctionne à merveille pendant quelques années, puis, soudainement, la mortalité atteint des valeurs extrêmes qui forcent l’éleveur à chercher une nouvelle souche pour continuer à développer l’espèce.
NDLR : On sait aujourd’hui que cela est fort peu probable, une quelconque dégénérescence chez les insectes reste à prouver, le pool génétique de départ étant amplement suffisant.

Enfin, j’ai également émis l’hypothèse d’une maladie provoquée soit par un parasite microscopique, soit par un germe entomopathogène déjà présent avant que l’animal ne parvienne dans mes élevages. Si tel est le cas, d’autres individus seront probablement touchés et présenteront alors les mêmes symptômes. Seul l’avenir pourra trancher...

Conclusion :

La mort de cette femelle, bien que ne compromettant pas complètement la mise en place d’Extatosoma tiaratum dans mes élevages, m’a permis de mettre en évidence la fragilité de certaines souches de phasmes ayant pourtant la réputation d’être bien établies en captivité.

L’hypothèse que je retiendrai est celle d’une anomalie au niveau génétique chez cet individu. Elle permettrait d’expliquer l’absence de rigidité de la cuticule après la mue par production insuffisante de bursicon (toutes les hormones sont produites à partir de séquences codées en gènes portés par les chromosomes contenus dans les noyaux des cellules endocriniennes) entraînant une mort certaine.

Bref, ce ne sont que des hypothèses et d’autres éleveurs pourront peut-être avancer d’autres explications aux faits dont j’ai été témoin.

Incontestablement, les insectes garderont toujours une part de mystère qui necessera de fasciner l’homme.

 
Post Scriptum :
Les articles cités sont issus de la revue Entomon du GEPAI. Liberté a été prise sur notre site de republier certains articles sans pour autant nécessairement contacter leurs auteurs. Néanmoins, en cas de désaccord et afin d’éviter toute méprise, ces articles pourront être retirés sur simple demande dudit auteur.
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