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Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.
L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.
Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr
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PAT MATYOT - Le monde des phasmes n°6 - Decembre 1989
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1/ Identité de l’espèce
Plusieurs espèces de Phyllies auraient été trouvées aux îles Seychelles (Brunner von Wattenwyl & Redtenbacher, 1908 ; Klante 1974). Les détails d’une enquête visant à faire la lumière sur cette question seront publiés ultérieurement. Qu’il suffise de dire ici que depuis la fin du 19ème siècle, Phyllium bioculatum Gray. 1832 (=Ph. crurifolium Serville 1838) est la seule espèce dont la présence aux Seychelles a été confirmée (Bolivar,1895. Bolivar & Ferrière 1912 , Matyot 1988).
2/ Répartition aux Seychelles
La présence de phyllies aux Seychelles fut signalée dès la première moitié du 19ème siècle(Serville 1838). Nous pouvons supposer sans risque d’erreur que la plupart des exemplaires parvenus en Europe ( Joly 1871 . St Quintin 1907. etc) et aux Etats Unis ( Linell 1897 ; Rehn & Rehn 1933) furent trouvés à Mahé, la plus grande île granitique de l’archipel.
Parlant de la "mouche feuille" , Guérard (1891) écrit : "...on ne la rencontre guère que dans les forêts" , mais il ne précise pas sur quelles îles se trouvent ces forêts .
Lucas aurait parlé d’oeufs reçus de Mahé à la Société Entomologique de France en 1863 (Foucher 1916) ,la première fois que cette île fut explicitement mentionnée comme localité. St Quintin(1907) dit avoir reçu des oeufs pondus par des femelles de Pulchriphyllium crurifolium ( = Ph. bioculatum) récoltées à Mahé également . L’expédition du Percy Sladen Trust en 1908 - 1909 confirma la présence de Ph. bioculatum dans les îles de Mahé et de silhouette (Bolivar & Fernère, 1912). Selon Scott, qui faisait partie de cette expédition, cette phyllie fut trouvée dans les régions cultivées à basse altitude et non dans les forêts qui recouvrent les parties hautes de ces deux îles.
Une femelle récoltée par l’expédition et conservée au muséum de l’université de Cambridge en Grande Bretagne porte l’étiquette "Port Victoria" (la capitale des Seychelles , qui se trouve à Mahé).
J’ai moi-même trouvé des mâles qui avaient volés dans ma maison à Marie Laure (District de Bel ombre) le soir. Des amis m’ont remis des mâles qui s’étaient égarés dans des maisons et d’autres bâtiments le soir au Niol, à Hermitage et à Sans-Soucis, ainsi que des femelles trouvées sous des arbres au Niol, à Bel Air et à Saint Louis. Toutes ces localités se trouvent dans l’île de Mahé. Elles sont situées dans des régions habitées où la végétation indigène a été en grande partie remplacée par des espèces exotiques (arbres fruitiers , etc.). Ce qui n’empêche pas à Lionnet (1984) de déclarer que les phyllies se nourrissent de feuilles d’arbres ou d’arbustes des régions hautes des îles.
3/ Plantes nourricières
Voir aussi l’article du même auteur :
Les plantes nourricières de Phyllium bioculatum Gray 1832 aux Iles Seychelles
Puisque les phyllies font partie de la faune des Seychelles elles doivent se nourrir de certaines plantes indigène de ces îles. Or, jusqu’à maintenant, pratiquement toutes les plantes nourricières connues sont des espèces exotiques, donc introduites.
Les femelles qui m’ont été remises par des amis avaient été trouvées sous les arbres suivants : Eugenia javanica (" zamalak" en créole Seychellois), E. malaccensis ("ponm") et Sandoricum sp. ("santol"). Les phyllies que j’ai moi-même élevées se nourrissaient de feuilles de Eugenia jambos ("zanbroza", le "jamrosa" de joly, 1871), de E. jambola ("zanblon") et du goyavier Psidium cattleianum. Il est a noter que les genres Eugenia et Psidium appartiennent tous deux à la famille des Myrtacées.
Les Phyllies que j’ai élevées refusent les feuilles Terminalia catappa ("bodanmyen", le "badamier" de Guerard,1893). Cet arbre est le seul parmi ceux nommés ci-dessus qui paraît être indigène aux Seychelles.
4/ BIOLOGIE
Très peu d’observations ont été faites sur la biologie de Ph. bioculatum aux Seychelles. Selon Joly (1871),"...M.Borg prétend que la ponte a lieu en toute saison, mai principalement en octobre, novembre et décembre, alors que les îles Seychelles ne sont pas exposées aux terribles coups de vent du Sud-Ouest".
J’ai pu vérifier que les jeunes larves se rencontrent parfois à la même période que les adultes, confirmant ainsi les propos de ST Ouintin (1907) à ce sujet.
J’ai reçu une larve trouvée au Niol le 20 Novembre 1988, 17 jours après avoir trouvé un adulte mâle à Marie Laure. Une autre larve m’a été apportée le 9 Août 1989, date à laquelle une adulte femelle a été trouvée à St Louis.
Des informations contradictoires existent à propos du nombre de mues que subit l’insecte avant d’atteindre l’état adulte. Selon Guérard (1891),"... la mouche feuille change 3 fois de peau" ; mais Leigh (1909) affirme qu’elle subit 6 ou 7 mues. D’après Murray (1856), qui mena des recherches sur Phylium scythe (=Ph. bioculatum) provenant de l’Inde, le nombre de mues serait de 3, tandis que selon Foucher (1916), qui avait affaire à des exemplaires de Ph. bioculatum provenant du Sri Lanka, il serait de 5 pour le mâle et de 6 pour la femelle. St Quintin (1907) et Leight (1909) affirment que les mâles provenant d’oeufs des Seychelles atteignent le stade adulte avant les femelles provenant de la même ponte. Cette même observation a été faite sur les Phyllies du Sri Lanka (Foucher ,1916).
Les informations disponibles sur la biologie de Ph. bioculatum provenant des Seychelles sont résumées dans le tableau qui suit . Les données receuillies par Murray (1856) et Foucher (1916) sur des exemplaires de l’Inde et du Sri Lanka sont incluses à titre de comparaison.
- | Guérard (1891) | St Ouintin (1907/1908) | Leigh (1909) | Murray (1856) | Foucher (1916) |
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1. Provenance Phyllies | Seychelles | Seychelles | Seychelles | Inde | Sri Lanka |
2. Plantes nourricières | Goyavier,Badamier,castèque | Hêtre Chêne,Chêne vert(=Quercus ilex) | Chêne,Chêne vert(=Quercus ilex) | Myrte | Goyavier,Ronce,rosier,Chêne,Hêtre pourpre |
3.Température | 25°c -30°c | 21°c -27°c | 18°c -30°c | 13°c | chauffage dans l’insectarium |
4. Humidité | 75-80 ? humidité moyenne aux Sey. | atmosphère saturée :l’intérieur de la cage aspergé d’eau tiède 1-2 fois par j. | extrêmement humide | ? | ? |
5. Nombre de Mues | 3 | ? | 6 ou 7 | 3 | 5 pour le mâle 6 femelle |
6. Intervalle ponte - éclosion | environ 50 j | 4 à 6 mois pour la plupart 9 mois pour une femelle | 4 à 7 mois (éclosion seulement au-dessus de 22°c) | ? | 5 mois (la température influe sur l’avance ou le retard des éclosions |
7. Durée du Cycle Larve - Adulte | ? | ? | ? | 15 mois | 4 mois pour le Mâle 5 mois 1/2 pour la femelle dépend de la chaleur et de l’humidité |
8. Durée de Vie de l’adulte | ? | la femelle "jouit d’une vie prolongee" le mâle a la vie éphémère | environ 4 ou 5 semaines pour le male. 8ou 9 sem. pour la femelle | 3 mois | quelques jours pour le mâle (qui meurt après l’accouplement) 5 mois pour la femelle |
9. Durée du Cycle éclosion-mort de l’adulte | ? | 11 mois | ? | 18 mois | ne dépassant jamais 11 à 12 mois pour la femelle et 9 à 10 mois pour le mâle le plus robuste |
10. Durée du Cycle ponte éclosion stade adulte | ? | ? | 10 ou 11 mois (dépend de la temp.) | ? | 10 mois |
11. Nombre d’oeufs pondus par la femelle | 80/100 (4-5 par jour) | ? | (probablement 85/100) | ? | 643 oeufs pondus par 4 femelles |
5 / Menaces sur l’espèce
Selon Latreille, cité par Serville (1838), les phyllies constituaient un objet de commerce et d’histoire naturelle par les Seychellois. Grâce à Guérard (1891), nous avons une idée de la valeur commerciale attachée à ces insectes : ’’...les grosses mouches (-feuilles) se vendent 2 à 3 roupies chaque et les jeunes ne valent guère que 6 pences."
Des exemplaires furent apportés en Europe dès le 19ème siècle : "10 ou 12" offerte à l’Académie des sciences de Toulouse par M.Borg en 1866 (Joly 1871) ; "bon nombre" récoltés à Mahé en 1906 par un ami de St Quintin qui accompagnait le Lord Crawford à bord du Yacht Valhalla, parmi lesquels 13 survécurent et furent remis à 1’insectarium de Regent’s Park à Londres (St Ouintin, 1907), etc.
Ces chasses n’ont probablement pas eu d’impact sensible sur les populations de Phyllies aux Seychelles. Les effets de l’abattage des arbres et des incendies de forêt, entraînant le déboisement, ainsi que l’introduction d’espèces exotiques, tant animales que végétales, ont dû provoquer des perturbations écologiques bien plus néfastes. Toutefois, le fait que Ph. bioculatum soit polyphage ou du moins oligophage, et peut se nourrir de plantes exotiques introduites , laisse supposer que l’espèce est en mesure de survivre à la destruction des forêts originelles des îles. Mais en 1981 déjà, Guérard notait :"... elle était autrefois très commune, mais depuis quelques années, par suite du nombre croissant des oiseaux, elle a considérablement diminué ; on ne la retrouve guère que dans les forêts."
C’est à St Ouintin (1908) que nous devons une indication sur l’identité de l’oiseau dont il est question :"... Malgré (son) camouflage....depuis l’introduction d’une espèce de martin aux Seychelles , cette phyllie est bien moins commune qu’autrefois. "
Il s’agit vraisemblablement du martin triste ou mainate de l’Inde (Acridotheres tristis. "marten" en créole). D’après Penny (1974), cet oiseau aurait été introduit vers la fin du 18ème siècle, donc pas très longtemps après le début de la colonisation française en 1770, par le gouverneur général des Mascareignes, Mahé de la Bourdonnais, qui aurait envoyé des exemplaires de l’île Maurice, où le martin triste avait été introduit - en 1763 (Hemming, 1964) - pour lutter contre les criquets ("sauterelles"). Or, de la Bourdonnais ne pouvait pas être l’auteur de cette introduction peu judicieuse puisqu’il quitta l’île Maurice en 1746 (Toussaint,1971). Selon Lionnet (1984b) le martin triste aurait été introduit de l’Inde " vers 1835 pour combattre les insectes nuisibles, surtout les sauterelles ". Quoi qu’il en soit, le martin est aujourd’hui le plus ubiquiste des oiseaux des Seychelles ( Lionnet, 1984b).
Autre menace contre Ph. bioculatum aux Seychelles : les mâles, qui volent la nuit, sont attirés par les lumières et pénètrent dans les maisons et autres bâtiments éclairés (Matyot, 1988). Il est fort probable que bon nombre d’entre eux ne parviennent pas à s’échapper.
BIBLIOGRAPHIE