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Le Monde des Insectes

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Il privilégie un esprit de convivialité, sans imposer de hiérarchie officielle, pour que les discussions puissent s’enrichir librement aussi bien des erreurs des uns que des explications patientes de ceux qui en connaissent plus.

ANIBARA

Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.

L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.

Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr

Observations sur les phasmes de l’île de Silhouette aux Seychelles
samedi 7 octobre 2006
par Arno
par Pat MATYOT - Le Monde des Phasmes n°12 Mars - 1991

Jusqu’à 1990, l’entomologiste britannique Hugh Scott était le seul à avoir observé les phasmes de l’île de Silhouette aux Seychelles dans leur milieu naturel. Il séjourna dans cette île du 25 juillet au 30 septembre 1908 dans le cadre de la seconde expédition du Percy Sladen Trust dans l’Océan Indien (Scott, 1910). Au cours de ce séjour d’un peu plus de deux mois, Scott découvrit le mâle de Carausius scotti et la femelle de Graeffea seychellensis et trouva des exemplaires des trois autres phasmes seychellois du genre Carausius : C. alluaudi et C. sechellensis, découverts en 1892 à La Digue et à Mahé respectivement par Charles Alluaud (Bolivar, 1895) et C. gardineri, découvert en 1905 à Mahé par Stanley Gardiner (Bolivar & Ferrière, 1912). Les habitants de Silhouette lui remirent également des exemplaires de la phyllie Phyllium bioculatum. Tandis que les quatre espèces de Carausius et C. seychellensis furent trouvés dans les régions hautes de l’île, où la flore indigène subsiste, les Phyllies furent récoltées dans les zones cultivées à basse altitude (Bolivar & Ferrière, 1912) .

Du 10 juillet au 14 août 1990, j’ai accompagné une expédition de l’université d’Oxford dirigée par Justin Gerlach (étudiant en zoologie au Wadham College) à Silhouette. Cela a été pour moi l’occasion d’enquêter sur l’entomofaune de l’île, et sur les phasmes qui s’y trouvent en particulier. J’ai ainsi découvert la femelle de C. scotti, jusqu’alors inconnue (Matyot,1990b), et j’ai pu confirmer que toutes les autres espèces mentionnées plus haut sont toujours présentes à Silhouette. Afin d’éviter les répétitions, les principales stations où j’ai mené des prospections durant mon séjour dans l’île seront indiquées par des numéros, comme suit :

1.- la pente est entre Jardin Marron et La Passe (200 m - 450 m d’altitude) ; 2.- la pente ouest entre Jardin Marron et Grand’ Barbe (300 m - 450 m) ; 3.- le Mont Pot-à-eau et ses environs (450 m - 620 m), y compris la forêt de Pisonia sechellarum où l’expédition de l’université d’Oxford a concentré ses recherches ; 4.- près du sommet du Mont Dauban (700 m) ; 5.- au pied du bloc granitique de Gratte Fesse (450 m) ; 6.- dans le nord, entre la Mare aux Cochons et l’Anse Mondon (300 m) ; 7.- à l’est, au-dessus de l’Anse Lascars (200 m).

Pour la plupart des noms scientifiques des plantes mentionnées ci-dessous, j’ai consulté Robertson (1989)

1. Carausius sechellensis (Bolivar, 1895)

Cette espèce, le plus répandu des phasmes des Seychelles, se rencontre dans les sept localités énumérées ci-dessus. Comme à Mahé, ses plantes nourricières préférées sont les fougères qui poussent dans les sous-bois, parfois sur les rochers et les troncs d’arbres, notamment Nephrolepis biserrata ("fouzer taba" en créole seychellois, Fam, Oléandracées) , ainsi que Dicranopteris linearis (Fam. Gleichéniacées) , qui envahit les clairières des forêts dégradées. Bien plus rarement, elle a été trouvée sur d’autres plantes : la monocotylédone Dracaena reflexa ("bwa sandel", Fam. Liliacées) et les dicotylédones Pyrostria bibracteata (=Canthium bibracteatum, "bwa dir", Fam. Rubiacées) et Tabebuia pallida ("kalis-di-pap", Fam. Bignoniacées) . Contrairement aux autres espèces, C. sechellensis n’a jamais été observé en train de se nourrir pendant la journée. J’ai trouvé des mâles plus souvent que des femelles. Ils sont très actifs la nuit, rôdant parmi les fougères et les arbustes avoisinants, peut-être à la recherche de femelles.

2. Carausius gardineri Bolivar, 1912

A Silhouette comme à Mahé cette espèce est rencontrée dans les régions humides au-dessus de 300 mètres d’altitude. Elle a été trouvée dans les localités 1, 2, 3 et 6. Elle se nourrit des feuilles des fougères qui abondent dans les sous-bois ombragés, parfois comme épiphytes. Nephrolepis biserrata figure parmi ces fougères, mais les autres espèces restent à être déterminées. C. gardineri a été observé en train de se nourrir en fin d’après-midi (17h 15 - 17h 30) aussi bien qu’aux alentours de 23h : il n’est donc pas exclusivement nocturne. (A Mahé, j’ai trouvé des jeunes de cette espèce en train de se nourrir au milieu de la journée également, entre 11h et 13h 30.) Il existe une différence intéressante entre les exemplaires de C. gardineri de Silhouette et ceux de Mahé : tous ceux que j’ai examinés à Silhouette avaient les pièces buccales et les yeux bruns. plus ou moins comme le reste du corps, tandis que ceux de Mahé ont les mêmes organes teintés de rouge.

3. Carausius alluaudi (Bolivar, 1895)

Cette espèce semble être bien moins nombreuse à Silhouette qu’à Mahé. En 1908 déjà, Scott n’y collecta qu’un seul mâle et aucune femelle (Bolivar & Ferrière, 1912). Je n’ai observé que trois jeunes durant mon propre séjour de cinq semaines dans l’île. Deux d’entre eux se trouvaient sur de jeunes palmiers (Phoenicophorium borsigianum, ="lantannyen fey") à Jardin Marron (450 m), tandis que le troisième se reposait sur un jeune Pyrostria bibracteata dans la même localité. Les deux premiers s’étaient peut-être égarés de leurs plantes nourricières habituelles, ou bien ils cherchaient un abri temporaire, puisque C. alluaudi ne se nourrit pas de feuilles de palmiers. A Mahé également, cette espèce se rencontre parfois sur les palmiers endémiques (dont P. borsigianum), même que ses plantes nourricières sont les dicotylédones comme Tabebuia pallida, Pyrostria bibracteata, Timonius seychellensis ("bwa kasan-d-montanny", Fam. Rubiacées) et Gastonia sp. ("bwa bannann", Fam. Araliacées). L’un des trois jeunes a été récolté et en élevage il s’est transformé en un adulte mâle rouge brique, semblable à la forme la plus répandue du mâle à Mahé. (Il en existe également une forme brune dans la région de Congo Rouge à Mahé.)

4. Carausius scotti Ferrière, 1912

Cette espèce a été trouvée dans les localités 1, 2, 3 et 5. Elle se nourrit essentiellement de fougères qui poussent comme épiphytes sur les arbres ou fixées sur les rochers, surtout Asplenium nidus ("lang-de-bef" ou "lalang bef", Fam. Aspléniacées) , mais aussi Phymatodes scolopendria ("kapiler", Fam. Adiantacées) et Nephrolepis biserrata. C. scotti est une espèce diurne qui se nourrit le matin et en fin d’après-midi (Matyot, 1990b). Les feuilles âgées, parfois recouvertes de mousse, de A. nidus sont préférées aux jeunes pousses. La femelle, que j’ai découverte le 11 juillet 1990 dans la localité 1, peut avoir entre 9 cm et 9,4 cm de long. Toute hérissée d’épines noires, y compris sur la partie dorsale de l’abdomen, elle est d’une apparence remarquable. Ses épines sont bien plus grosses et plus nombreuses que celles du mâle. Les deux sexes sont généralement. d’un brun jaunâtre passant au noir aux articulations du corps et des pattes, mais j’ai aussi trouvé des spécimens presque entièrement noirâtres.

Des oeufs pondus dans la deuxième moitié de juillet 1990 ont éclos au bout d’environ trois mois, vers fin octobre. Le jeune nouvellement éclos mesure environ 1,6 cm de long. Il est d’un vert jaunâtre pâle, tacheté de brun le long de la médiane dorsale. Les pattes sont d’un brun foncé, presque noirâtre, interrompu en quatre endroits par des bandes jaune pâle, presque blanchâtres, dont une avant l’extrémité du fémur et les trois autres sur le tibia.

5. Graeffea seychellensis Ferrière, 1912

Cette espèce a été trouvée dans les palmeraies des localités 1, 2, 5 et 6. Elle a été observée en train de se nourrir des feuilles de quatre palmiers endémiques : (Nephrosperma vanhoutteanum ("lantannyen milpat"), Phoenicophorium borsigianum ("lantannyen fey"), Roscheria melanochaetes ("lantannyen oban") et Verschaffeltia splendida ("lantannyen lat"). Un cinquième palmier endémique, Deckenia nobilis ("palmis") , figure parmi ses plantes nourricières à Mahé, mais je n’ai pas trouvé ce phasme sur Deckenia durant mon séjour à Silhouette. Par contre, je l’ai également trouvé à deux reprises sur de très jeunes cocotiers (Cocos nucifera) autour de _a limite supérieure des cocoteraies dans la localité 1, surplombant La Passe. Lorsqu’il est immobile sur une feuille de palmier, C. seychellensis n’est pas facile à observer en raison de son homochromie. Je prépare actuellement un rapport plus détaillé sur cette espèce. Qu’il suffise d’énumérer ici quelques points intéressants concernant sa biologie : la présence de deux formes (dimorphisme) chez la femelle (l’une verte, l’autre brune) ; l’agression intra-spécifique chez les mâles ; la capacité de vol chez le mâle ; et la capacité de la femelle de projeter ses oeufs à la manière des Phyllies.

6. Phyllium bioculatum Gray, 1832

Je n"ai trouvé aucune Phyllie durant mon séjour à Silhouette, notre campement était situé à Jardin Marron (450 m) et il n"était pas possible d"entreprendre des recherches très approfondies dans les régions de basse altitude pour trouver cette espèce, dont la présence n"a jamais été signalée au-dessus de 250 m à Mahé (Matyot, 1990a). Cependant, un habitant de l"île affirmait avoir trouvé des Phyllies sur Eugenia cuminii ("zanblon", Fam. Myrtacées) et Ficus sp. ("lafous", un figuier sauvage, Fam. Moracées) dans la région de Belle Vue (250 m) dans le nord de l"île (zone où la forêt indigène a été en grande partie remplacée par des espèces introduites).

Effectivement, le 13 septembre 1990, un mois après mon retour à Mahé, il m"a envoyé une femelle de P. bioculatum qui aurait été trouvée sous un Ficus sp. à Belle Vue. Malheureusement, l"insecte est mort au bout de quelques jours, mais non sans avoir pondu des oeufs dont j"attends l’éclosion. Le spécimen mesurait 7,7 cm de long et était de couleur verte pâle, à l’exception des pattes intermédiaires et postérieures, qui étaient brunes, et de quelques taches brunes sur les élytres, l"abdomen et les pattes antérieures.

Conservation

Une bonne partie de la forêt indigène de Silhouette a été protégée des déprédations humaines grâce aux pentes très fortes et aux éboulis rocheux qui caractérisent le relief de l’île. Tant que ces forêts continuent à être protégées, la faune qui y habite le sera également. Selon une carte du ministere Seychellois du développement national (1988), l’établissement de réserves naturelles a été proposé dans quatre localités. L"une d"entre elles comprend le Mont Pot-à-eau, le Mont Dauban, Jardin Marron et leurs environs. On trouve tous les phasmidés seychellois, sauf probablement la Phyllie P. bioculatum, à l’intérieur de cette zone. Une autre réserve proposée comprend la station numéro 6 ci-dessus et ses alentours, ou l"on trouve au moins trois espèces : C. sechellensis, C. gardineri et C. seychellensis. Toutefois, l’établissement de ces réserves reste à être confirmé officiellement. La forêt de Pisonia sechellarum, qui se trouve à l’intérieur de la première "réserve proposée", mérite à elle seule d"être classée réserve intégrale afin d’assurer une protection aussi complète que possible des espèces végétales et animales, endémiques pour la plupart, qui s’y trouvent dont une importante population de C. scotti.

En dehors de l’action directe de l’homme (abattage des arbres, feux de brousse, etc.), une autre menace pèse sur les biotopes de Silhouette : les espèces exotiques introduites dans l’île. Durant notre séjour nous avons remarqué que l’une d’entre elles, l’arbuste Clidemia hirta (Fam. Melastomatacées) est en train d’envahir les forêts, supprimant les espèces indigènes qui occupent normalement les strates arbustive et herbacée dont les fougères qui constituent les plantes nourricières de C. sechellensis, C. gardineri et C. scotti. Parmi les autres espèces introduites qui deviennent envahissantes, jusque dans les réserves proposées, figurent un Goyavier sauvage (Psidium littorale, Fam. Myrtacées), le Cannelier (Cinnamomum zeylanicum,. Fam. Lauracées), l’Albizia (Paraserianthes falcataria, Fam. Fabacées) et le jacquier (Artocarpus heterophyllus,Fam. Moracées).

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Carte 1 : Iles des Seychelles où des phasmes ont été collectés.
Silhouette est à 19 km de Mahé
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Carte 2 : Localités dans l’île de Silhouette mentionnées dans le texte.
Le point culminant se trouve au Mont Dauban (750 m).

Bibliographie

- Bolivar, 1. 1895. Mission scientifique de M. Charles Alluaud aux îles Seychelles : orthoptères. Annls, 64 : 369 - 386.

- Bolivar, 1. & Ferrière, C. 1912. Phasmidae of the Seychelles. Trans. LQnd. (_.), 15 : 293-300.

- Matyot, P. 1990a. Notes on the leaf insect Phyllium bioculatum in the Seychelles. Phasmid Study Group Newsletter, 42 : 4.

- Matyot, P. 1990b. Observations on Carausius scotti. Phasmid Study Group Newsletter, 45 : 7 - 9.

- Ministère du développement national (République des Seychelles) & Bureau pour le développement de la production agricole (Paris). 1988. Carte potentialités : Praslin, La Digue, Silhouette Frégate. Paris.

- Robertson, S. A. 1989. Flowering plants QL Seychelles. Royal Botanic Gardens, Kew.

 
Post Scriptum :
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