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Le Monde des Insectes

Le site et le forum insecte.org sont le lieu de rencontre de tous les passionnés d’insectes, quels que soient leur niveau, leur approche et leurs objectifs.

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Il privilégie un esprit de convivialité, sans imposer de hiérarchie officielle, pour que les discussions puissent s’enrichir librement aussi bien des erreurs des uns que des explications patientes de ceux qui en connaissent plus.

ANIBARA

Association humanitaire et scientifique pour le Burkina Faso.

L’association s’est basée depuis sa création sur la construction et la mise en œuvre d’un petit campement au sud ouest du Burkina, près de Banfora : le Tilapia.
L’écotourisme et les expéditions scientifiques sont les ingrédients du succès de ce petit campement.
L’association cherche aussi à favoriser les échanges scientifiques entre les muséums de Ouagadougou et de Paris.
L’association vise également à promouvoir l’écotourisme et l’environnement, en diffusant des plaquettes dans les offices de tourisme et dans les associations naturalistes françaises.

Siège : Quartier Saint Pancrace, 3241 route de Très 06440 l’Escarène
anibara@hotmail.fr

Pour que dansent les Phyllies
Article initial en 4 parties
dimanche 4 mars 2007
par brunob , Arno

Le Monde des Phasmes n°25 (Mars 1994)


Chaque fois que sont faites de nouvelles observations quant à l’élevage et au comportement de ces insectes, il est bon qu’en soient informés ceux et celles - nombreux - qui se passionnent pour ces curieux animaux. Mentionnons que l’essentiel de ce qu’il faut savoir si l’on veut tenter un élevage se trouve condensé en un peu plus de deux pages dans une excellente et très récente brochure en langue anglaise consacrée aux phasmes ayant pour auteur Paul D. Brock [1]. On y apprend que parmi les vingt espèces de phyllies connues depuis le milieu du siècle dernier, seules quatre d’entre elles se sont maintenues en Europe avec plus ou moins de bonheur.

A relire l’article paru dans le Monde Des Phasmes (n° 19 p. 16-21) on constatera que son ton était quelque peu triomphaliste. Tout semblait indiquer que l’élevage des phyllies ne présentait aucune difficulté particulière et que tôt ou tard elles envahiraient nos vivariums.

Erreur totale ! Avec le temps, force est de constater que cet élevage est aléatoire, plein d’imprévus. Que les causes d’échec sont parfois évidentes, parfois mystérieuses.

L’article que consacre aux phyllies E. Delfosse (même numéro, p. 3) est plus réservé. L’auteur, excellent observateur (et dessinateur) donne de judicieux conseils.

C’est à juste titre que P.D. Brock, dans la brochure précitée, attribue à cet élevage la note de difficulté 2 à 3 (3 étant le maximum).

  • TAUX DE NATALITE

Les observations qui suivent se rapportent plus particulièrement à Phyllium bioculatum (Gray, 1832), espèce originaire de Java et du Sri Lanka. Les trois autres espèces que j’ai tenté d’élever, Phyllium siccifolium, Phyllium giganteum et Phyllium celebicum se sont peu à peu éteintes, quand bien même, la dernière citée, originaire de Thaïlande semblait promue à un brillant avenir.

Voici ce qu’il advint ; II y a quelques mois, un important stock d’oeufs donna naissance à d’assez nombreux jeunes de couleur brune, au corps oblong, marqué ainsi que les fémurs par des taches blanc- nacré. Alors que les adultes apprécient la ronce et le chêne, elles n’en voulurent point et périrent toutes avant la première mue. Peut-être aurait-il fallu leur offrir des feuilles de goyavier, plante dont la culture est facile si l’on dispose d’un local adéquat ... et de patience. Cette totale disparition de l’espèce est surprenante puisqu’un précédent élevage avait fort bien réussi.

Exit Phyllium celebicum, reste donc Phyllium bioculatum mais dont l’élevage se révèle plus délicat qu’il n’y paraît. Après environ six mois d’incubation dans des conditions optimales (température de 26-28°C, Humidité relative de 80-90% ), des éclosions se produisirent au sein d’un stock d’oeufs - un millier - sensés avoir été fécondés. Puis, peu à peu, ce rythme se ralentit au point qu’un jour ou deux s’écoulèrent sans qu’il y ait d’éclosion. Au bout de quelques mois, les oeufs, maintenant âgés d’un an, ont cessé d’éclore. Que contiennent-ils ? Dans la quasi-totalité d’entre eux c’est une gelée jaune, transparente, entourée d’une membrane. Peu d’entre eux montrent un début de développement embryonnaire. Très rarement le contenu est totalement sec.

Sans avoir tenu un décompte précis, on peut estimer que le taux de natalité n’excède guère 20%. Voila la raison pour laquelle bien des acheteurs sont déçus d’avoir fait l’acquisition d’une ou deux douzaines d’oeufs de phyllies et de n’avoir que de rares éclosions, voire aucune.

  • ECLOSION, PREMIERS PAS ET PREMIERE MUE.

Le phénomène d’éclosions massives et synchronisées en fin de matinée des oeufs de Phyllium bioculatum avait été mentionné dans l’article paru dans le Monde Des Phasmes (n° 19, P. 19). Cet article aura sans doute échappé à l’attention de M. J.-Y. Robert puisqu’il ne le cite pas en référence à la fin de son intéressante communication (n° 23, p. 11-15). Il est vrai que ses observations portent sur Extatosoma tiaratum. Pas plus que moi, il n’est parvenu à des conclusions définitives quant aux causes de ce curieux phénomène. Je suis assez enclin à croire que ce comportement est bénéfique à l’espèce par le fait qu’il faciliterait au nouveau-né la découverte de son milieu à un moment favorable de la journée. Il ne s’agit nullement d’une recherche de nourriture. La phyllie néonate peut en effet vivre plusieurs jours avant un premier repas si le climat lui est propice (température, humidité).

Quant à la dissémination des individus, elle a déjà lieu au moment de la ponte car au moment où l’oeuf apparaît la femelle le projette au loin par un brusque mouvement de l’abdomen du plus comique effet.

On peut s’interroger à propos de la couleur cuivrée ou franchement rouge de l’insecte qui vient de naître, couleur qui vire au brun puis au vert bien avant la première mue. Dans le monde animal et végétal la couleur rouge est souvent un avertissement qui signifie ; "attention, ne pas consommer je suis toxique !". Grâce à cette astuce 1 insecte serait protégé durant le laps de temps où son incessant vagabondage risque de le faire remarquer. Par la suite, son salut lui viendra de son remarquable camouflage et de son immobilité diurne.
Voir l’article "Le mimétisme chez les Phyllium".

Passés deux ou trois jours de grande activité, la jeune créature se calme’ et entreprend une vie qui sera pleine d’imprévus et d’incidents. On a déjà dit comment une simple goutte d’eau pouvait être pour elle un piège mortel. Puis vient la quête de la nourriture. Il semble bien que les jeunes ne savent pas toujours trouver ni atteindre la feuille qui leur conviendrait ni comment l’attaquer. Plusieurs auteurs pensent que la présence déjeunes plus âgées ou même ceux d’une autre espèce facilite les choses.

Au bout de deux ou trois semaines, si le jeune a survécu, il va lui falloir subir 1 épreuve de la première mue. La mue est toujours précédée de quelques jours de jeûne, l’insecte ne bouge plus et l’on craint pour sa survie ; il ne faut surtout pas le déranger. Le spectacle fascinant de la mue a été maintes fois décrit. Le danger qu’elle présente réside dans le fait que si l’exuvie à laquelle s’accroche l’insecte durant tout le processus se détache prématurément de son support et que l’animal dont la cuticule est encore molle et fragile tombe sur le sol il ne peut s’en sortir. Il demeurera empêtré dans son enveloppe et en mourra à moins que l’on parvienne à l’en extraire à temps par une délicate intervention.

Moins dramatique mais fréquent l’insecte perd des pattes dans l’aventure. S’il lui en reste au moins quatre, il pourra encore rechercher de la nourriture, sinon ...

A chaque mue, l’animal court des risques qui peuvent lui être fatal. Parfois tout semble s’être bien déroulé mais par la suite, il renonce à se nourrir. A l’autopsie on constate qu’il est vide, comme si l’appareil masticateur ou digestif ne s’était pas convenablement régénéré.

Il est arrivé qu’une femelle atteigne au stade subadulte une taille inhabituelle par sa grandeur ; à croire qu’il s’agit d’une espèce différente. Sa teinte verte a viré au jaune pâle, les nervures de ses élytres, l’extrémité de son abdomen et les fémurs de ses pattes se sont marqués de grandes taches brunes, mimant à la perfection une vieille feuille sur le point de tomber. Cette femelle est morte sans s’être accouplée ni avoir pondu. Un excès d’hormones de croissance sans doute.

Quel est le taux de survie des phyllies après la dernière mue ? Il doit, lui aussi se situer aux environs de 20% par rapport aux naissances. C’est là, me semble-t-il, le principal écueil que rencontre l’éleveur, sans qu’il ne puisse rien y changer.

  • MUE ET CROISSANCE

La mue imaginale d’une phyllie, celle qui lui confère son état adulte, est un spectacle rare fugace auquel on a parfois la chance d’assister car elle intervient souvent de jour, en fin de matinée, tout comme les éclosions. La description qui en a été donnée (Le Monde Des Phasmes n° 19 p. 20) demande de ma part quelques corrections et adjonctions. En fait, l’insecte s’accroche au support par ses pattes postérieures puis, l’exuvie s’étant fendue au niveau du thorax, il dégage en premier lieu sa tête, ses antennes et ses pattes antérieures, dans un mouvement de bascule vers l’arrière. Il demeure quelques instants suspendu, la tête en bas, puis, ayant repris des forces, il opère un brusque rétablissement. C’est alors qu’il entreprend de grimper le long de l’exuvie en direction du support en s’aidant des pattes médianes et antérieures. Il arrive parfois, qu’au passage, il dévore son exuvie, partiellement ou totalement. Puis, dans un temps très court, de l’ordre de la demi-heure, il acquiert sa taille définitive.

A ce moment intervient un phénomène plus étrange encore qui ne semble pas avoir été décrit en détail : il s’agit de l’acquisition des ailes. On sait que jusqu’à sa quatrième mue, un mâle de Ph. bioculatum est totalement aptère. C’est à l’issue de sa mue imaginale, la cinquième, qu’il se pourvoira d’une paire d’ailes qui ne fera de lui, certes pas, un brillant voilier mais qui lui permettra d’amortir une chute ou de se rendre par la voie des airs auprès d’une femelle qu’il convoite.

Comment cela se passe-t-il ? On voit tout d’abord apparaître deux minuscules points vert-vif à la base du métathorax. En quelques minutes, chacun des deux points se transforme en un disque de la taille d’une graine de lentille. L’objet grandit à vue d’oeil, prend une forme oblongue, devient translucide et montre déjà un réseau de nervures. La croissance se poursuit au même rythme et en moins de trente minutes l’insecte se trouve muni d’une vraie paire d’ailes dont il peut faire un usage immédiat.

Chez la femelle, les choses se passent différemment. Ce sont les élytres rudimentaires (tegmina) qui subissent une croissance ultra rapide après la sixième mue. Ces "ailes" recouvrent presque en totalité l’abdomen mais ne sont apparemment d’aucune utilité à l’insecte. A noter que chez les femelles adultes de Ph. celebicum, les élytres cachent une paire d’ailes, inutiles aussi, car l’insecte est trop lourd pour pouvoir voler.

La croissance ultra rapide d’un organe pose des questions, pour y répondre on est tenté de faire le rapprochement avec la croissance des jeunes sitôt après l’éclosion, croissance que l’on observe également à vue d’oeil. Dans une publication du P.S.G. (Newsletfer n° 56, sept. 1993), un correspondant, M. B. Kneubuhler estime que, profitant de la souplesse temporaire de son exosquelette, le jeune pompe de l’air dans son corps. L’auteur fait une plaisante analogie avec un ballon enrobé de papier imprégné de colle liquide que l’on gonflerait. La colle ayant séché, il garderait sa forme.

Dans un même ordre d’idées, on admet que le papillon qui vient de s’extraire de sa chrysalide, dont les ailes sont molles et chiffonnées pompe de l’air et de l’hémo-lymphe (“sang”) vers les nervures et les trachées de ses ailes qui grandissent et se déploient.

La soudaine apparition - ab nihil - d’une paire d’aile, sur le dos d’un mâle de Ph. bioculatum me paraît être un phénomène d’un autre ordre. Rappelons que les insectes n’ont pas de poumons et qu’ils respirent par un réseau de fins canalicules (les trachées). Dès lors, où serait la "pompe" et dans quoi l’animal pomperait-il de l’air puisqu’il n’existe pas la moindre ébauche d’ailes ? En absence d’une structure gonflable, que doit-il se passer ? Au risque d’être contredit, j’estime que cette croissance fulgurante est due à une multiplication cellulaire ultra rapide, tandis que le déploiement de l’aile intervient sous l’effet des deux forces - bien connues en physiologie - que son la pression osmotique et la capillarité.

  • ACCOUPLEMENT

La parthénogenèse existe chez les phyllies ; elle serait même la règle chez Phyllium giganteum où le mâle n’a pas été décrit. Selon certains, il faudrait y voir une des causes du faible taux d’éclosions ainsi que de la fragilité des espèces. Dans un élevage, il est donc avantageux de disposer de plusieurs mâles susceptibles de s’accoupler et d’autant de femelles pour lesquelles débute la période de ponte. Intervient alors une difficulté liée à la grande différence d’espérance de vie d’adulte entre les femelles et les mâles. Elle se compte en mois pour les premières, en semaines pour les seconds. Autre difficulté, les femelles subissent six ou sept mues avant d’être adultes, les mâles seulement cinq. Dès lors, il faut compter sur la chance pour que coïncide dans un élevage, ne comptant que peu de représentants de chacun des deux sexes, la période favorable aux uns et aux autres.

J’ai observé que 12-15 jours pouvaient s’écouler entre un accouplement et la ponte des premiers oeufs. En général le mâle ne survit que peu de jours après s’être accouplé. La femelle en revanche, peut vivre plusieurs mois et ainsi pondre quelques centaines d’oeufs qui ont toutes chances d’être fécondés.

Précédant l’accouplement, le mâle de Ph. bioculatum demeure volontiers accroché fermement sur le dos de la femelle durant un jour ou davantage. Quant à l’accouplement proprement dit, il ne dure qu’une demi-heure environ et exige du mâle une certaine habilité car il est contraint à se livrer à une difficile contorsion pour entrer en contact avec l’orifice génital de la femelle qui est situé sous l’abdomen. La femelle ne semble guère émue par les assiduités de son partenaire car elle en profite généralement pour dévorer une entière feuille de ronce.

  • PEUT-ON "AIDER" LES PHYLLIES ?

Par cet article et ceux qui l’ont précédé, le lecteur aura pu se faire une opinion quant aux difficultés et aux déboires que l’on rencontre dans l’élevage des phyllies.

Il y aurait en réalité de quoi se décourager comme le disait naguère notre ami A. Deschandol. Toutefois, à force d’observations, les causes de ces difficultés deviennent peu à peu plus claires, moins illogiques, car elles apparaissent inhérentes à l’espèce. On se reprend à considérer l’élevage comme un challenge, une gageure dans laquelle on s’engage comme pour relever un défi.

Une question vient à l’esprit : comment l’éleveur peut-il intervenir pour que prospère l’espèce et que selon le titre de l’article "les phyllies dansent" ? La question est plus complexe qu’il n’y paraît. On peut effectivement intervenir mais avec doigté et modération. Un éleveur professionnel faisait remarquer récemment que les phyllies étaient des insectes particulièrement "émotifs", sensibles au stress, qu’il faut manipuler avec beaucoup de douceur et jamais inutilement, en particulier lors des nettoyages de la cage et du changement de nourriture. Les phyllies sont indolentes et n’aiment guère les déplacements ; elles ont probablement mauvaise vue et l’on ignore tout de leur odorat. On peut leur faciliter la quête de nourriture en disposant des feuilles fraîches à leur proximité.

Dans leurs rapports amoureux, on peut se faire un peu entremetteur. Le mâle semble un peu nigaud et bien souvent il ne voit pas ou ne sent pas une femelle pourtant proche de lui.

En conclusion, on peut aider les phyllies mais pas trop. Il semble que leurs mouvements chaloupés qui nous amusent tous seraient plutôt la manifestation d’une inquiétude collective qu’un signe de gaieté.

_Alors, que les phyllies dansent... mais pas trop.

 
Post Scriptum :
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[1] Rearing and Studying Stick and Leaf Insects. The Amateur Entomologist vol. 2, p. 46-48. Edited by Reg Frv.