Apterograeffea, un nouveau genre de Phasme de la Réunion et de l’île Ronde (Phasmatodea,Platycraninae)
bulletin de la société entomologique de France, 107 (4),2002:387-395 (Extraits - merci àNicolas Cliquennois pour son autorisation.)
vendredi 10 février 2006
par Arno , Nicolas C
*96 CD 29, Montvert-les-Bas, 97410 Saint-Pierre, Réunion nicolas.cliquennois@wanadoo.fr ** "Papillon", 40 Thorndike Road, Slough, SL2 1SR, Royaume-Uni pbrock@wexhamcourt.slough.sch.uk

Résumé. - Deux nouvelles espèces de Phasmes aptères de l’île de la Réunion et de l’île Ronde (au nord de l’île Maurice) sont décrites au sein d’un nouveau genre, Apterograeffea, apparenté àGraeffea Brunner, 1868. A. reunionensis n. sp. est désigné comme l’espèce-type de ce genre. Ommatopseudes Günther, 1942, est transféré de la famille des Phasmatidae, sous-famille des Platycraninae, àla famille des Aschiphasmatidae, sous-famille des Aschiphasmatinae.

Summary. - Apterograeffea, a new genus of stick insect of Réunion and Round Island (Phasmatodea, Platycraninae). Two new wingless species of stick insects from Réunion and Round Island (north of Mauritius) are described in a new genus Apterograeffea. A. reunionensis n. sp., is designated as the type species for this genus, which is related to Graeffea Brunner, 1868. Ommatopseudes Günther, 1942 is transferred front the family Phasmatidae, subfamily Platycraninae to the family Aschiphasmatidae, subfamily Aschiphasmatinae

Les phasmes des Mascareignes (Réunion, Maurice et les îles voisines) ont très peu été étudiés jusqu’ànos jours. Depuis la description de deux nouvelles espèces de Monandroptera Audinet-Serville, 1838, par REDTENBACHER en 1908, aucune étude taxonomique ne leur a été consacrée ; les derniers travaux en date sont les trois listes qui recensent les espèces présentes sur ces îles (Maurice et Rodrigues, ORIAN, 1957 ; Réunion, CHOPARD, 1957 ; et VINSON, 1968, pour l’ensemble des Mascareignes) en se fondant essentiellement sur des données historiques.

Des recherches, menées àla fois sur le terrain ainsi que dans les collections des musées européens, ont permis la découverte de nouvelles espèces. Le présent article, consacré àdeux nouvelles espèces placées dans un nouveau genre de la sous-famille des Platycraninae, inaugure nos travaux sur les phasmes de la Réunion et de Maurice, faune d’un intérêt exceptionnel.

Biologie et distribution - Plante-hôte habituelle des Platycraninae, les palmiers ont eu beaucoup àsouffrir de leur exploitation intensive àla Réunion. Ainsi, sur les quatre espèces indigènes, trois étaient très communes (MOORE Jr. & GuÉHo, 1984) : deux palmiers des basses altitudes, le latanier rouge (Latania lontaroides) et le palmiste blanc (Dictyosperma album), sont en voie de disparition àl’état sauvage ; c’est sur la troisième, le palmiste rouge (Acanthophcenix rubra) que tous les spécimens d’Apterograeffea reunionensis, assez communs, ont été observés, parfois en train de consommer ses feuilles. Ce palmier, grâce àune aire de réparti­tion plus large, a réussi àse maintenir dans quelques coins des hauts de l’île, mais souvent sous une forme juvénile àcause du braconnage (son coeur est un mets très prisé) dont il est toujours victime. C’était un palmier très commun des forêts de moyenne altitude, mais il ne survit quasiment plus que dans des lieux difficiles d’accès tels que les "remparts" (parois rocheuses) et les fourrés très humides àPandanus, formation végétale d’altitude particulière àla Réunion. La menace qui pèse sur les palmistes est inquiétante pour la survie de cette nouvelle espèce de phasme qui ne pourrait que s’éteindre si sa plante nourricière venait àdisparaître de son milieu naturel.

L’aire de répartition de notre nouvelle espèce était donc sans doute plus large àl’origine qu’elle ne l’est aujourd’hui : A. reunionensis n’est connu actuellement que des pentes sud du massif de la Fournaise (hauts de Basse-Vallée, Brà»lé du Baril, forêt de Mare-Longue, tous lieux sur la commune de Saint-Philippe et hauts de Jacques-Payet, commune de Saint­Joseph), de la forêt communale des hauts de Bras-Panon (est de l’île) et de la forêt de Bébour (sentier ÃŽlet-à-Bananes et piton de Bébour), àpartir de 500 mètres (làoù l’on commence àtrouver des palmistes) jusqu’à1350 mètres d’altitude. En outre, des mangeures caractéristiques (en forme de trapèze, ce qui est inaccoutumé pour les phasmes) sur des feuilles de palmistes ont été constatées sur les Mornes de l’Étang (est, vers 950 mètres), àGrand-Étang (est, vers 500 mètres) et dans le bois du Bon-Accueil, sentier du Malbar-mort, dans le quartier des Makes (sud-ouest, vers 1000 mètres) ; mais il est probable que l’on retrouve l’espèce partout où AcanthophÅ“nix rubra a pu se maintenir, c’est-à-dire dans les hauts des pentes sud et est du massif de la Fournaise et dans les hauts de l’Est

Les deux spécimens d’Apterograeffea marshallae récoltés en 2002 ont été découverts accouplés dans la palmeraie, très dégradée, qui subsiste àl’île Ronde, sur un latanier bleu (Latania loddigesii) qui constitue probablement leur plante nourricière. A. marshallae existe peut-être, ou a pu exister, sur l’île Maurice elle-même où se trouvait le même type de palmeraies qu’àl’île Ronde.

Les Platycraninae de l’océan indien

La grande majorité des représentants de la sous-famille des Platycraninae se rencontre en Océanie ainsi que dans le Sud-Est et l’Est asiatiques ; cependant l’on trouve également une espèce aux Seychelles, Graeffea seychellensis Ferrière, 1912, et une autre àl’île Rodrigues, Xenomaches incommodus (Butler, 1876) que VINSON (1868) signalé également sur l’île Ronde, loin de leur aire géographique d’origine. La découverte de deux nouvelles espèces de cette sous-famille àla Réunion et àl’île Ronde, dans la même partie de l’océan Indien que les îles citées précédemment, ne constitue donc qu’une demi-surprise.

ORIAN (1957) signale en outre la présence àMaurice de plusieurs espèces de Graeffea Brunner, 1868, mais il émet des réserves quant àleur classement générique du fait qu’il se fonde sur des spécimens immatures. VINSON (1968) évoque également la capture de petits phasmes dans les forêts mauriciennes en rappelant l’opinion d’Orian quant àleur statut taxo­nomique. Nos recherches, menées dans les collections de Vinson àl’île Maurice et au Natural History Museum, Londres, où sont déposés des spécimens de la collection Orian, afin de retrouver les spécimens mentionnés par ces deux auteurs, ont été vaines (*). Des chasses nocturnes entreprises dans la forêt mauricienne au début de 2001 ont permis la capture de spécimens appartenant àtrois espèces inconnues correspondant probablement àcelles évoquées par Orian et par Vinson ; or, aucune d’elles n’appartient àla sous-famille des Platycraninae, la ressemblance avec ces derniers n’étant que superficielle pour deux de ces espèces

Il serait cependant surprenant, compte tenu de sa présence sur les îles voisines, que cette sous-famille n’ait pas atteint Maurice, la plus âgée des îles de l’archipel ; mais, en considérant que la plupart des plantes-hôtes connues des Platycraninae sont des palmiers et que, par l’action de l’Homme, les espèces de palmiers indigènes de Maurice ont disparu àl’état sauvage, et ce certainement bien avant les recherches effectuées par Orian et Vinson, il est fortement concevable qu’une espèce de cette sous-famille ait pu disparaître de cette île. Enfin, il est ànoter qu’aucune espèce de Platycraninae n’est connue de l’île de Madagascar.

(*)Dans les collections du Ministère de l’Agriculture de Maurice se trouve un spécimen étiqueté Graeffea sp., mais il s’agit en fait de Sipyloidea sipylus (Westwood, 1859).

voir dans la Galerie : Apterograeffea marshallae , Apterograeffea reunionensis

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